C’est quoi un “tue-l’amour” ?
Un “tue-l’amour” c’est ça !
Si il y a une chose sur laquelle toutes les filles
que j’ai rencontrées sont d’accord, c’est bien celle-ci.
“Un homme nu en chaussette
est un tue-l’amour”
Mais ça veut dire quoi ?
Cela veut dire, Messieurs (au cas où vous ne le sauriez pas encore), que le moment venu, sauter sur Mademoiselle comme un loup affamé n’est pas pour lui déplaire (j’assume l’entière responsabilité de mon propos 😉 )… à condition …
… à condition de faire attention au détail qui tue !
Et garder ses chaussettes dans un tel moment est un acte du plus mauvais goût pour la gent féminine. Car il casse tout. Il casse l’ambiance romantico-sauvage, il vous catalogue d’entrée de jeu dans la catégorie des “Blaireaux avec un grand B”, en bref … cet acte tue l’Amour. C’est un “tue-l’amour”.
Allez quoi les filles, souriez ! Vous savez bien que j’aime la provocation. Rien de tel qu’un petit paragraphe “sexiste et machiste” à souhait …
Mais revenons à nos moutons et notamment au Lean.
Pourquoi Quotas et Primes sont-ils des “tue-Lean” ?
Pour appuyer mon propos, rien de mieux que de partager avec vous un exemple de terrain.
Depuis quelques mois, j’interviens au sein d’une entreprise manufacturière. Ils vendent des produits finis assemblés lors d’une opération manuelle comprenant la manipulation de charges assez lourdes et volumineuses.
Les opérateurs/ouvriers ont un objectif de production. Il est de 250 produits à fabriquer par jour.
C’est donc bien un quota de production, à savoir la quantité minimale à produire tous les jours.
S’ils produisent moins, c’est un problème. S’ils produisent le quota, c’est OK.
Toutefois, la direction a souhaité motiver ses troupes en versant une prime proportionnelle lorsque le quota est dépassé.
Aussi, dans les faits, il est courant que la production “tourne” aux alentours de 300 produits par jours et par personne.
Très bien, où est le problème ?
Tout paraît fonctionner à merveille … tant que l’on n’y regarde pas de trop près.
Lorsque l’on gratte un peu le vernis, on constate les faits suivants :
- Sur les 8 heures de la journée de travail, la charge n’est pas répartie de manière régulière. Elle n’est pas lissée. Pour toucher la prime, les gars se fixent comme objectif quotidien le chiffre de 300 produits à faire.
Ils travaillent “comme des malades” dans les premières heures pour être certains d’atteindre leur objectif. Par exemple, ils sont capables de fabriquer 270 produits en 5 heures et les 30 restants en trois heures (eh oui, comprenez-vous, il faut en garder un peu sous le coude pour continuer à faire semblant de bosser…).
Cela ne vous rappelle-t-il rien ? Pas même un peu …
- Les gars se plaignent de blessures légères, mais aussi de douleurs articulaires persistantes. L’absentéisme pour arrêt maladie n’est pas un phénomène négligeable.
Autre élément marquant; ce ne sont pas forcément “les plus vieux” qui souffrent le plus !
- C’est la course à la prime. En effet, il est un phénomène curieux constaté sur le terrain. Tous les jours les quotas de production sont dépassés. Tous les jours … sauf le vendredi ! Personne ne sait pour quelle raison vendredi, il est impossible d’atteindre les quotas. Non vraiment ! 😉
Or, vous comprenez que si le quota n’est pas fait le vendredi, il faudra bien revenir bosser samedi matin … en heures supplémentaires payées comme telles. 😉
Il est vrai, à y regarder de plus près, que le travail en heures supplémentaires du samedi matin rapporte davantage que la prime de dépassement du quota journalier.
Comme dirait l’autre : “Les gars de l’atelier, ils ont tout oublié, sauf d’être cons”.
Mais croyez-le ou non, c’est une chance pour l’entreprise. Ils savent compter, le raisonnement est tellement logique et surtout… si prévisible.
- Dans la même logique, il est arrivé au responsable d’atelier de voir que des gars avaient “planqué” des produits finis le vendredi soir, pour les ressortir le samedi matin en temps et heure et justifier ainsi d’un temps de travail.
Moi j’appelle ça de l’arnaque ou plus poliment parlé, de l’escroquerie. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Quelles conséquences pour l’entreprise ?
Elles sont nombreuses et pour la plupart, négatives :
- Obnubilés par la quantité, les gars travaillent comme des fous dans les premières heures de la journée. Ils se fatiguent exagérément ce qui rend leur journée de travail plus éprouvante.
Pire, ils développent des troubles musculo-squelettiques importants, au point, pour certains, de devoir prendre des jours d’arrêt maladie. La production globale de l’atelier se trouve alors pénalisée par ces absences répétées.
- Toujours dans la même optique, sur le long terme, les gars risquent de développer des maladies professionnelles pouvant mener à une situation de handicap permanent. L’entreprise voit alors sa responsabilité engagée et cela risque de lui coûter très, très cher.
- De telles conditions de travail vont finir par provoquer une démotivation bien supérieure à la motivation due aux primes. La conséquence est soit un salarié usé et probablement aigri, soit un salarié formé qui quitte l’entreprise. Dans ce dernier cas, il en résulte la perte d’une compétence précieuse et la nécessité d’en former une autre (ce qui représente en surcoût non négligeable pour l’entreprise). Quant au salarié fatigué qui reste dans l’entreprise, pensez-vous qu’il se sentira vraiment concerné par les challenges et l’esprit d’équipe ?
- Très rapidement, l’image de votre entreprise “en pâtira”.
Que préférez-vous ? Que votre boîte soit dans le Top 10 des “Great place to work” ou qu’elle soit assimilée à un bagne ? Faites votre choix, mais vous savez comme moi à quel point l’image d’une entreprise est importante.
- Autre registre, la qualité. Croyez-vous qu’un opérateur qui ne pense qu’à sortir des produits le plus vite possible soit vraiment aussi attentif à la qualité qu’il le devrait ?
Savez-vous estimer les coûts de rebuts et retouches ? Et si par malheur, la non-conformité parvient jusqu’à votre client, combien cela vous coûtera-t-il ? Êtes-vous prêts à risquer de perdre un client pour des problèmes de qualité générés par des gars qui se dépêchent de produire … pour dépasser un quota journalier et toucher leur prime ?
- Dernier point, plus pernicieux. À force de jouer avec le feu en misant sur les primes pour motiver les gars d’un atelier, le jour où vous leur demandez la moindre chose, par exemple d’être volontaire pour participer à un chantier de progrès, ils vous regardent tel un martien tant que vous n’évoquez pas le mot magique “La prime”.
Je me souviens d’une usine d’un grand constructeur automobile hexagonal qui avait corrélé les 5S à des primes. Chaque “S” atteint était “récompensé” par une prime. Ils n’ont jamais réussi à dépasser le S3. Pourquoi voulez-vous que les gars continuent de faire sans primes ce qu’ils avaient fait avec ?
Vous l’aurez compris, cette courte liste de conséquences n’est pas exhaustive.
Je n’ai cité que celles qui me venaient en tête immédiatement. Mais croyez-moi, si l’on prend le temps d’y réfléchir, on en trouve très rapidement beaucoup d’autres dont l’impact sur l’entreprise est tout aussi important.
Et d’un point de vue Lean, quel est le problème ?
C’est ce que je vous propose de découvrir dans mon prochain article …
Bonjour,
Votre article est intéressant.
Par contre, j’aimerais savoir ce que votre client a fait pour repasser à un système sans quota et donc sans prime? (financièrement parlant) A-t-il augmenté tout le monde tout en demandant aux ouvriers de ne plus obligatoirement atteindre les 300 produits / jour?
Cdlt.
Bonsoir « gea60 »,
je vous remercie pour votre commentaire.
J’interviens encore dans cette entreprise et le changement d’organisation est en cours. Le patron de l’entreprise a décidé de supprimer les primes individuelles et va plutôt proposer une belle prime annuelle collective.
Le but est d’essayer de garder cette « carotte », mais elle récompensera l’ensemble de l’équipe. C’est aussi un moyen d’autorégulation. En effet en privilégiant le collectif à l’individuel, si un gars ne joue pas le jeu (de façon exagérée) son comportement pénalise les résultats de l’équipe entière. Aussi, il est fort probable que l’effet de groupe joue et que les plus motivés entraînent ceux qui le sont moins. Le management doit toutefois veiller a ce qu’il n’y ait pas d’abus. Par exemple si un gars fait 350 produits par jour, c’est l’équipe qui en profite et pas lui seul. Dans ce cas, cela le motivera un peu moins, mais cela évitera aussi qu’il se tue au travail. En revanche si un autre gars « glande » et pénalise le reste de l’équipe, il y a de fortes chances pour qu’il se prenne quelques remarques de la part de ses collègues.
Cela évite au manageur de proximité de jouer les « garde-chiourmes » sans toutefois désengager sa responsabilité au niveau collectif.
Par ailleurs, la direction souhaite avoir un travail régulier tout au long de la journée (7h). Pour cela la notion de Takt Time couplée avec un plan de marche est intéressante. Plutôt que de fixer le quota à 250 /jr avec des gars qui en font 220 en 4 heures et 30 en 3 heures, le plan de marche indiquera une production de 35 à 36 par heure. Si un gars en fait 25, c’est qu’il doit rencontrer un problème et on le voit de suite (on évite ainsi les dérives exagérées), mais si le gars en fait 60 en une heure, c’est aussi un problème et il faut le réguler/ralentir.
Maintenant, tout cela est bien beau sur le papier, il va falloir le mettre en musique sur le terrain. Et là, cela demande de la patiente, de la pédagogie et beaucoup de présence et d’accompagnement par les manageurs de proximité. Chasser le naturel, il revient au galop …
Travailler sur l’homme, avec l’homme pour l’homme, n’est pas impossible … mais cela prend du temps.
J’espère avoir un petit peu répondu à votre question. Si cela peut vous être utile, j’en suis heureux.
Bien cordialement,
Eric
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Bonjour,
Votre article est très intéressant et si réel. Je rencontre le même problème d’objectifs individuels qui « tuent » l’objectif collectif. Comment faire comprendre aux managers, qui ont l’obligation de fixer des objectifs individuels, qu’il faut fixer des objectifs collectifs ?
Cordialement
Fabienne
Bonjour Fabienne,
je vous remercie triplement. D’une part pour avoir lu l’article, d’autre part pour avoir laissé un commentaire et enfin pour apporter de “l’eau à mon moulin”.
Vous dites que les managers ont l’obligation de fixer des objectifs individuels. Ce n’est donc peut-être pas eux qu’il faut convaincre, mais ceux qui ont fait ce choix – le top management / la direction.
Ensuite pour leur faire comprendre, c’est simple. Faites leur lire cet article … 😉 .
Si vous n’avez pas accès à la direction, commencez par essayer de convaincre les managers qui vous entourent.
Une équipe est bien plus que l’addition des personnes qui la composent. Je n’apprécie pas trop le foot, mais l’exemple est parlant.
Constituez une équipe avec les 11 meilleurs footballeurs de la planète. Pensez-vous que ce sera immédiatement la meilleure équipe du monde ?
Nous connaissons tous la réponse.
Les primes ne font qu’accentuer des comportements individuels et génèrent souvent des attitudes “déviantes” qui, à terme, se révèlent être contre-productives.
Bien cordialement,
Eric
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