L’équipe de nuit nuit …

… à votre productivité !

 

night shift

 

 

Loin de moi l’idée de vous faire la morale, en vous disant que le travail de nuit est mauvais à long terme pour la santé des personnes qui le pratiquent.

 

Des études ont été faites depuis de nombreuses années …

 

 

 

D’ailleurs, les rares fois où j’ai fait l’exercice moi-même, … il m’a été très difficile d’assurer ma journée de boulot après avoir passé la nuit … “en boite”.

Pour preuve, un collègue m’a pris en photo sur mon lieu de travail un lendemain de “travail de nuit” …

lendemain de cuite

Mais revenons à nos moutons (qu’ils soient à compter pour s’endormir la nuit ou non 😉 ).

 

 

Mais pourquoi travailler la nuit ?

 

 

Vous l’aurez compris, je ne parle pas ici de tous ces métiers qui sont nécessaires au bon fonctionnement des établissements hospitaliers, de ceux à process continu qui nécessitent d’être présent 24/24 ou autres métiers dits justement “du monde de la nuit”.

Non, je parle de ces PMEs qui décident de faire tourner leurs “bécanes” la nuit.

 

Pourquoi font-elles cela ?

Qu’est-ce que cela leur apporte ?

 

 

Le contexte

 

Vous êtes un patron de PME et vos produits sont réalisés sur des machines. Par exemple, vous imprimez sur papier ou tissus, vous produisez des milliers de petites pièces métalliques à partir de rouleaux de matière (bande ou fil), vous conditionnez des barquettes ou remplissez des sachets dans l’agroalimentaire …

 

Imprimerie Ligne conditionnement

 

 

 

 

 

 

 

En fait, toutes ces industries dont la Valeur Ajoutée est réalisée sur une machine et qui travaillent en série.

Sans rentrer dans le détail, une fois la machine réglée, la production est lancée … et on surveille que tout se déroule bien.

 

Oui, mais voilà ! Sur le papier, votre outil de production est performant.

Dans la “vraie vie”, ce n’est pas le cas. Chaque fois que vous passez dans l’atelier, …

 

… vos machines ne tournent pas !

enerve

 

Du coup, votre production “ne sort pas” et vous livrez vos clients en retard !

Cela vous agace, cela vous contrarie, cela vous énerve … vous allez exploser …

 

Que faire ?

 

Vous avez bien essayé de faire quelques heures supplémentaires le soir ou le week-end …

Mais cela ne suffit pas. Vos machines ne tournent pas encore suffisamment.

“Y a pas photo”, il ne reste qu’une solution. Ouvrir plus longtemps ! Il faut que les machines …

 

… tournent la nuit !

 

 

OK on y va ! Comment fait-on ?

 

Chaque boite a sa façon de faire pour trouver des opérateurs qui acceptent de travailler la nuit.

La prime de nuit aide … et en général, il y a des volontaires …, mais parfois les choses sont “un peu forcées” 🙁 .

 

Et pour finir …

 

Pour quel résultat ?

 

Oh bien sûr, il y a une amélioration. Peut-être même que la boite parvient à livrer ses clients à l’heure.

Dès lors, tout le monde est satisfait, et l’on se dit : “L’équipe de nuit était nécessaire, c’est ce qu’il fallait faire.”

 

Toutefois, je constate presque toujours que le patron “reste sur sa faim”, lorsqu’il réalise que ses “bécanes” ne tournent pas mieux.

Par expérience, je pense pouvoir affirmer qu’elles tournent même encore moins que lorsque l’entreprise tournait en “2X8”.

Chaque fois que nous avons mesuré concrètement, nous avons mesuré des taux d’arrêt allant de 40 à 60 % par jour !

 

 

Exemple de terrain

 

J’accompagne depuis quelques mois des entreprises sur leur chemin Lean (voir l’article “Moi, Eric, entomologiste du Lean”). Au sein d’une de ces boites, un opérateur vient de prendre la fonction de chef d’atelier.

Je passe du temps avec lui pour accompagner sa “montée en puissance”, tant sur l’aspect de sa posture managériale que sur l’organisation de son atelier.

Il me dit :

Eric, j’ai un problème.

Le boss trouve que nos bécanes ne tournent pas assez … et globalement, je suis d’accord avec lui. Mais comment faire ?

Par exemple, aujourd’hui, dans l’équipe du matin (5 h à 13h) de l’atelier XXX qui compte 7 machines, je dois avoir deux gars. Or l’un d’eux est malade. L’opérateur présent, il est arrivé à 5h, il a réglé une machine et lancé la production. Maintenant il règle une seconde machine … en essayant de suivre ce que fait la première … comme il le peut.

Idem pour l’équipe de cet après-midi (13h à 21h). J’ai un gars absent sur les deux.

Et le pire, c’est que si je veux que la production tourne cette nuit, il faut que la/les machines soit(ent) réglée(s) pour l’arrivée du gars qui fait la nuit.

Au final, très peu de machines tournent … et je me fais engueuler.

 

En discutant avec le top management de cette entreprise, ils ont pris conscience que leur plage d’ouverture, bien que “grande”, ne leur apportait pas vraiment d’avantages. En effet, l’atelier était ouvert 14h dans la journée, mais comme l’effectif était “dilué” sur cette plage horaire, le moindre imprévu pouvait avoir des conséquences très négatives sur la productivité.

Ils ont alors décidé de faire un test en “resserrant” la plage horaire. Ils sont passés de 5h/21h à 6h/20h, avec pour objectif 7h/19h.

Le nouveau chef d’atelier était très réticent, car il n’avait connu que la plage 5/21 dans cette entreprise (on a toujours fait comme ça ! 😉 ) … et qu’il ne voyait pas trop “ce que ça allait apporter”.

Alors, j’ai poussé, j’ai insisté, j’ai argumenté … pour qu’ils tentent. Et ils ont tenté.

Le chef d’atelier s’est alors aperçu que sur la plage horaire 12h/14h, il y avait bien plus de monde dans son atelier, et que cela …

 

… lui apportait beaucoup de souplesse d’organisation !

 

Le fait d’avoir “plus de monde en même temps”, lui permettait d’avoir quelques personnes dédiées aux réglages et des opérateurs occupés à faire tourner deux ou trois machines simultanément.

 

Un vrai travail d’équipe !

travail equipe

 

 

 

Ce qu’il faut retenir

 

  • Déshabiller Paul pour habiller Jean”, ne change rien. Allonger la plage horaire avec le même effectif introduit du risque dans votre organisation.
    Un atelier de 10 opérateurs sur une équipe, s’il est bien organisé, sera probablement plus efficace et productif qu’un atelier de “5 gars sur deux équipes” ou encore “3 sur trois équipes”. Pourtant, en théorie, la machine peut-être utilisée trois fois plus longtemps …

 

  • Étendre la plage horaire, c’est se placer d’un point de vue de la machine. Or, ce n’est pas la machine qui est en cause si elle ne tourne pas (sauf panne, évidemment !). C’est l’organisation de la production qui est en cause.
    Il est alors plus judicieux d’agir sur les causes racines du problème (l’organisation déficiente) que sur les conséquences (la capacité amoindrie du poste).

 

  • Mettre en place une seconde équipe et à fortiori une équipe de nuit peut-être nécessaire, si la capacité existante est déjà bien exploitée. Cela arrive.
    Dans ce cas, il faut dupliquer l’organisation en place pour la recréer dans une équipe supplémentaire. Cela passe alors par l’embauche de nouvelles personnes (comme Toyota l’a fait en 2014, en recrutant 500 personnes pour son équipe de nuit).

Combien de PMEs sont elles vraiment dans cette configuration ? Combien d’entre elles ont réellement besoin de 2 voire 3 équipes ?
Tout cela à un coût non négligeable. Tout cela pénalise la performance globale de l’entreprise.
C’est une forme de Muri (excès, surcharge, …).

 

 

Petit bémol, petite précision

 

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.

Ponctuellement, faire appel aux heures supplémentaires (soir ou week-end) pour terminer une commande et livrer à l’heure est une bonne chose. C’est un moyen d’adapter la charge de travail à la demande des clients.

De même, organiser une équipe de nuit pour pouvoir honorer une commande extraordinaire de plusieurs millions de pièces, que vous allez faire sur une machine dédiée, me paraît être une décision correcte. Mais de mon point de vue, cela reste équivalent à trouver des heures supplémentaires.

Ce que je préconise, c’est de ne pas créer une nouvelle équipe simplement parce que mes bécanes ne tournent pas assez.

 

 

 

 

Et dans votre boite, équipe ou horaires de jour ?

 

 

 

 

 

2 Commentaires

  1. Fabrice COUROUSSÉ

    Bonjour Eric,merci pour cet article.

    Mon humble expérience personnelle m’a permis de vivre une situation que je vois comme complémentaire.
    Ayant à faire face a une forte commande, je me suis retrouvé avec une machine goulot ou ça ne passait plus en journée normale…il fallait presque tripler le débit pour livrer au délai!
    La première solution était de passer carrément en 3*8 pendant 1 mois pour avaler, ce que me disait mes boss, en m’expliquant que ce n’était pas un problème et que mon boulot c’était ça, point barre. En plus comme il resterait du temps (presque tripler,pas complètement) ça permettrait de faire d’autres commandes plus vite pendant ce mois là, donc du CA…
    Petit détail dont ils se fichaient, il n’y avait que 2 personnes vraiment qualifiés pour conduire cette bécane…et je n’avais que 2 semaines pour régir, pas question de former quelqu’un sérieusement (sécurité, efficacité, capacité de décision).
    En plus je venais d’arriver sur le site et j’étais plutôt vu comme un « inquisiteur » dans cette boite qui venait d’être racheté…

    Et là j’ai eu un moment de lucidité dont je reste fier des années après!
    J’ai réuni les 2 conducteurs, le programmeur de la machine et le technicien de maintenance:
    -je leur ai expliqué simplement et sincèrement la situation.
    -je leur ai demandé de venir avec moi sur la machine pour voir quelles étaient toutes les solutions possibles.
    Ils ont râlés, m’ont traité de taré, dit que les patrons voulaient couler la boite et j’en passe des meilleures!
    Je leur ai répondu que c’était un défi pour des pros comme eux et que je les soutiendrais avec mon regard extérieur et pour trouver les moyens.

    On a été sur le terrain et je les ai fait regarder leur job en cherchant tous les petits gaspillages.
    On a gratté des secondes de cycles, repris tous leurs gestes en les repensant ensemble, ils ont eus besoin d’un aménagement de poste peu coûteux qui a été fait en 2 jours et m’ont demandé de leur adjoindre 2 gars en qui ils avaient confiance pour faire un essai en 2*8 la semaine suivante.

    Eh bien, on l’a fait!!

    Et ça a marché: en un mois on a livré comme prévu.

    Mais ce n’est pas là le plus important: ces nouveaux standards sont restés quand on est revenu en journée normale et ce poste n’a plus été un goulot. Les 2 compagnons en ont profité pour mieux faire leur entretien de fin de semaine, surveiller beaucoup plus la qualité de leur fabrications…Donc moins d’arrêt imprévus, de retour qualité (quand on fait le point régulièrement on peut prévenir la maintenance des dérives…) et aussi un goulot de moins à gérer pour moi!!Plus un autre regard dans l’atelier quand j’y passais dire bonjour tous les matins.

    Voilà bien une petite histoire vécue qui pleine de « lean », non?

    Bien cordialement

    Fabrice

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