“Les illusions perdent tous ceux qu’elles aveuglent” Émile de Girardin
Sur le Larousse du Net, le mot illusion est, entre autres, défini comme :
“Appréciation conforme
à ce que quelqu’un souhaite croire,
mais fausse par rapport à la réalité”
Comme le citait Émile de Girardin, nos illusions nous mènent souvent à notre perte.
Plus pragmatiquement et en rapport avec le thème de ce Blog, elles sont un frein puissant, voire un obstacle à la démarche Lean.
Pourquoi nos illusions menacent-elles le Lean ?
Le propre d’une illusion est qu’elle aboutit toujours à …
… une désillusion !!!
Oh, je vous entends d’ici. Vous allez me dire “Et alors, des désillusions, on en a vu d’autres” … et vous n’aurez pas tort.
Le problème est que concernant une démarche de longue haleine, une démarche qui va “s’étaler” sur plusieurs années, la répétition de ces désillusions vous mène à l’abandon.
C’est aussi une des causes (même si ce n’est pas la seule) du faible taux de réussite des démarches Lean en entreprise.
Car la désillusion mène à la frustration … et au renoncement.
Au fil des ans, j’ai vu nombre de managers, nombre de responsables Lean, nombre de patrons de PME … baisser les bras et renoncer.
Moi-même, mes illusions me font passer par “des hauts et des bas”. Mais pour le moment, je tiens bon, je continue, car j’y crois toujours !
Je veux toucher la lune … Lean !!!
Vous me connaissez … voici trois exemples les plus fréquemment rencontrés lors de mes pérégrinations …
L’illusion qu’il n’y aura plus de problèmes demain
Comme beaucoup de managers, nous sommes convaincus de faire face à un nombre fini de problèmes et que lorsque ceux-ci seront résolus, nous aurons enfin la paix !
C’est faux !
Les problèmes d’une entreprise sont infinis !!
Mais la plupart du temps, nous ne voyons que “les plus gros” ! Ceux qui nous énervent, qui nous obsèdent …
Mais ces quelques problèmes majeurs ne sont en fait que … l’arbre qui cache la forêt.
N’oubliez pas que …
le petit problème d’aujourd’hui est le gros de demain !
Vous pensez que j’exagère ? Croyez-moi, il n’en est rien.
Demain, notre esprit sera toujours autant occupé par les problèmes. La charge mentale sera toujours aussi importante. Cela est dû au fait que nous avançons, nous progressons … et que ce qui nous semblait hier comme quantité négligeable, nous apparaît aujourd’hui comme important. Notre niveau d’exigence s’est accru.
Par exemple, après avoir fait un 5S, une machine un peu sale nous “insupporte” … alors que trois mois auparavant sa “couleur crasse” ne nous aurait pas fait réagir.
C’est la raison pour laquelle nous disons que le Lean est un voyage pas une destination.
C’est l’essence même de l’amélioration continue.
L’illusion que les choses sont comprises, acquises
J’ai vu cette douce illusion user plus d’un responsable Lean. C’est une grande frustration de constater que …
rien n’est jamais acquis !!!
Par exemple, cette entreprise ou ce site industriel, qui avait bien progressé sur la voie du Lean … et qui fait machine arrière suite au rachat par une autre boite ou à la nomination d’un nouveau directeur de site.
Par exemple, ce 5S qui “tient assez bien” … sauf la dernière semaine du mois “parce que le 5S on s’en fout, il faut facturer pour atteindre l’objectif de chiffre d’affaires !”.
Par exemple, ces standards qui ont été créés pour améliorer et rendre plus efficace le fonctionnement l’entreprise … mais que l’on ne suit plus “parce qu’il y a trop de boulot”.
Nous croyons que l’autre a compris, parce que nous lui démontrons la logique des choses. Lui-même croit avoir compris, car il vous le certifie.
Pourtant, sur le Gemba, nous constatons à travers ses actes que ce n’est pas le cas !
Par exemple, parce que mes parents me l’avaient dit, je savais que les cyclomoteurs étaient peu visibles des automobiles la nuit. Oui, je le savais !
Mais ce n’est que le jour où je me suis retrouvé derrière un volant, la nuit que j’ai vraiment pris conscience à quel point j’étais peu visible lorsque je fonçais sur mon “103 Peuge” (mais si souvenez-vous, la grande époque des “103 SP” et des “51 Black”, c’était avant que “les scoot” ne prennent le pouvoir … 😉 )
L’illusion que l’entreprise sera toujours là
Après les managers et les responsables Lean, voici une douce illusion répandue chez les ouvriers / opérateurs.
Cette illusion est celle qui consiste à croire que l’entreprise a les reins solides et qu’elle ne risque pas de couler. En effet, “depuis 20 ans, elle en a vu d’autres et s’en est toujours sortie”. La boite a toujours rebondi …
jusqu’au jour où elle ferme !!!
Je pense que c’est une forme de déni de réalité. Comme ces ados qui adoptent un comportement dangereux pour se sentir vivre “convaincus que la mort, ce n’est pas pour eux”.
Il y a un déni, mais aussi une ignorance des enjeux et de la pression financière qui s’exercent au niveau de la direction.
Malheureusement, j’ai vu pas mal de boites s’intéresser trop tard au Lean , et se retrouver au mieux en redressement au pire en liquidation pure et simple.
Et bien d’autres encore …
Nous venons de voir trois exemples, mais que dire de l’illusion que …
• livrer des pièces en avance est intéressant pour le client
• livrer des produits en surplus gratuitement (car surproduction) est intéressant pour le client
• regrouper les séries ou les travaux par lot participe à la performance globale de l’entreprise
• les principes du Lean ne peuvent pas s’appliquer “chez nous”, car nous ne produisons pas en série
• être convaincu que les choses vont se faire parce que, moi, manager, je l’ai décidé et décrété
• il est possible de piloter la production avec un tableau d’indicateur et depuis son bureau
• il est possible de réellement résoudre des problèmes sans aller sur le Gemba (terrain)
• les stocks sont une richesse pour la société (ce qui est encore vrai d’un point de vue comptable)
• etc., etc., etc.
Ce qu’il faut retenir
S’il n’y avait qu’une chose à retenir de cet article c’est bien qu’ …
une illusion est une croyance !
Or, dans la majorité des cas, nos croyances sont fortement orientées par nos émotions. Et nos émotions sont majoritairement influencées par nos envies ou nos craintes (nos peurs).
Aussi, pour sortir du monde de l’émotion et revenir à celui du factuel, il existe un outil, une méthode, je dirais même plus un schéma mental ou un état d’esprit, …
C’est la pratique du PDCA
Et vous, vous laissez-vous bercer (ou même berner) par vos illusions ?
Bonjour Eric,
bon, pour moi c’était 103 MLV!
L’illusion de la vitesse en tapant le moteur! (LOL)
Plus sérieusement, ce que la plupart de nos collègues en entreprise ne réalisent pas, c’est que nous ne vivons plus dans une économie de Production mais une économie de Marché. La bascule s’est faite à la fin des 30 glorieuses, mais l’illusion à la vie dure…
C’est tellement plus rassurant d’y croire!
Voilà pourquoi je défends une vision de l’apprentissage de l’amélioration continue qui ne soit pas seulement lié aux comportements méthodologiques (état d’esprit Lean) mais également à une analyse systémique (approche par le coaching) qui permet de prendre du recul sur sa relation aux problèmes.
Notre ancien Président a dit:
« Le changement c’est maintenant! »
Je rajoute: « …et ça va durer longtemps! »
Bien amicalement.
Fabrice
(j’indique mon site mais il est en construction, ne soyez pas surpris si vous ne voyez rien!)
Bonjour Fabrice,
tout d’abord, je vous demande de bien vouloir m’excuser pour ne pas avoir pris le temps de vous répondre plus tôt.
Je vous remercie pour ce commentaire.
Le 103 MLV … je vous avoue que je ne connais pas. J’ai acheté le mien qui était déjà « trafiqué » et j’en ai rajouté … à la fin,
il ne devait plus rester grand chose du 103 d’origine … 😉
Je partage totalement votre avis lorsque vous dites que certains sont restés bloqués dans « les trente glorieuses ». Le problème,
c’est que cette période s’est terminée avec les deux gros chocs pétroliers des années 73 et 76. Cela fait déjà plus de 40 ans
qu’elles sont terminées les « trente glorieuses » …
Il serait peut-être temps d’évoluer … On dirait que cela commence avec l’élection de notre Kennedy français ;-).
Je partage aussi votre approche systémique. En revanche, je suis plus nuancé sur votre façon de voir. Le Lean est un système complet.
Il porte déjà en lui cette analyse systémique (et notamment l’approche par le coaching faite par les Senseis) qui doit mener à l’entreprise apprenante.
Quant à citer notre ancien président … je ne suis pas sûr que ce soit de bon augure. Il disait :
« Le changement c’est maintenant! »
Je rajoute: « …et on attend toujours !!! » 😉
Amicalement,
Eric