Mais quel est ce nouveau mal ?
Vous ne connaissez pas la …
Vérifinite ?
C’est pourtant une maladie très répandue
au sein de nos entreprises !
Bon, c’est vrai, j’admets … je viens d’inventer le terme.
Mais j’en suis sûr, vous connaissez sa cousine … la réunionite.
Lorsque l’on cherche sur internet la définition de la réunionite, on obtient :
Réunionite est un terme péjoratif qui désigne le fait d’organiser de trop nombreuses réunions de travail, causant ainsi une perte d’efficacité de l’entreprise, car prenant sur le temps de travail effectif des personnes.
Hé bien, la définition de la vérifinite pourrait être :
Vérifinite est un terme péjoratif qui désigne le fait de vérifier les choses de trop nombreuses fois, causant ainsi une perte d’efficacité de l’entreprise, car prenant sur le temps de travail effectif des personnes.
Stop au bla-bla, des exemples de terrain !
Exemple 1 : Service Comptabilité, “Vérification des factures”
Si je mets des guillemets, c’est qu’en fait le service comptable effectuait la facturation de l’entreprise. Il ne vérifiait pas les factures, il vérifiait si tout était correct avant d’effectuer la facture.
Cela signifie que chaque expédition à facturer faisait l’objet d’un contrôle détaillé, en “rapprochant”, ligne à ligne, le bordereau d’expédition et la commande client.
Il faut bien être conscient que cette opération avait déjà été effectuée par le service ADV (Administration Des Ventes), qui vérifiait que les caristes avaient bien chargé sur le camion les produits vendus.
De plus, les caristes eux-mêmes, lors du chargement, vérifiaient que leur liste de préparation (produits à charger dans le camion) était conforme à la commande du client.
Vous avez bien lu, l’adéquation entre l’expédition et la commande client était vérifiée …
… 3 fois, par 3 services différents !!!
Nota : S’agissait-il de matières nucléaires, de virus ultra dangereux, de puces électroniques révolutionnaires ? Non, simplement des produits de négoce pour la décoration. Attention, bien que non sensible pour l’humanité, cela n’en est pas moins important pour l’entreprise …
Cette précision faite, trois vérifications par trois services différents … n’est-ce pas un peu excessif ?
Le service comptable passait beaucoup de temps à … vérifier des choses justes !
Je ne détaillerai pas ici le chantier de progrès mis en œuvre pour atteindre l’objectif de lancer la facturation sans vérification du contenu.
Je mettrai juste en avant le nombre d’heures économisées par l’arrêt de ce processus inutile, à savoir :
750 heures / an !!!
Pas mal, non ?
Exemple 2 : Service ADV, Gestion des dépôts
Cette entreprise possède un très grand parc constitué par deux dépôts D1 et D2. Pour diverses raisons,certains produits se trouvent dans les deux dépôts.
Lors de la saisie d’une commande client, la fille de l’ADV vérifiait où était stocké chaque produit. Elle indiquait ensuite sur quel(s) dépôt(s) faire le(s) prélèvement(s).
Dans la pratique, la répartition des stocks de produits sur le terrain était différente de celle indiquée “sur l’ordinateur”. Dès lors, les caristes multipliaient les déplacements pour chercher à compléter leur commande. N’ayant pas de terminaux radiofréquences, les stocks informatiques, n’étaient pas remis à jour en temps réel, etc.,etc.
Par ailleurs, chaque fois qu’un cariste relevait un écart de stock sur le terrain, il devait le signaler auprès de l’approvisionneur. Ce dernier demandait alors au responsable logistique (le boss des caristes) d’aller faire un inventaire du produit concerné sur D1 et D2. Une fois le résultat de l’inventaire connu, l’approvisionneur devait reprendre l’historique d’activité sur ce produit pour trouver “le pourquoi du comment” de l’écart.
Une véritable …
Lors du chantier de progrès, nous avons mis en évidence une chose importante. Les filles de l’ADV exerçaient en fait sans s’en rendre compte une activité de logistique. En effet, lorsqu’elles vérifiaient la répartition des produits dans D1 et D2, puis décidaient du lieu de prélèvement, elles “mordaient” sur les prérogatives du service logistique.
Il a été décidé de ne plus s’occuper des dépôts lors de la saisie des commandes client. Les filles de l’ADV ont un rôle commercial, pas logistique. Les logisticiens (caristes) retrouvaient alors la liberté de s’organiser comme bon leur semblait pour gérer leurs stocks sur le terrain.
En un mot, l’ADV saisissait la commande et les caristes s’organisaient pour préparer ces commandes.
Chacun son boulot, chacun sa responsabilité !
Nota : Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. “Chacun son boulot, chacun sa responsabilité” ne signifie pas que vous dressez une “cloison”, et que chacun fait son boulot de son côté sans se préoccuper des autres …
L’un dans l’autre, le temps économisé se monte approximativement à : 223 heures / an !!!
Exemple 3 : Service ADV, Vérification des “dispos”
Toujours, la même entreprise, toujours le même service ADV.
Lors de la saisie d’une commande, l’assistante commerciale vérifie la disponibilité des produits pour la date de commande. Jusqu’ici, cela semble tout à fait normal.
Oui mais, …
Lorsque le produit n’est pas disponible pour la date demandée par le client, la fille consulte différents écrans pour vérifier à quelle date arrivera un prochain approvisionnement. Si elle ne trouve pas l’info, elle fait un petit email à l’approvisionneur pour lui poser la question. L’approvisionneur doit s’interrompre, regarder dans “le système informatique”, et répondre par email à l’assistante commerciale. Cette dernière prend alors connaissance de la réponse.
Plus de 9 fois sur 10, la potentielle rupture identifiée par l’assistante commerciale n’en est pas une, car les produits “rentreront” dans les temps pour pouvoir être livrés à la date demandée par le client.
Chaque vérification de disponibilité a été estimée, toutes actions confondues, à 10 minutes pour l’assistante commerciale. Le temps de dérangement de l’approvisionneur n’a pas été compté (mais aurait dû).
À environ 20 commandes par jour, l’assistante commerciale prend 200 minutes (20 x 10 minutes) de son temps pour vérifier des disponibilités qui sont bonnes dans plus de 90 % des cas.
Pendant un mois, l’assistante commerciale a fait le test de saisir sa commande sans vérifier les disponibilités. Le test a été concluant, même si des petits ajustements on été faits (Kaizen).
Pour être tout à fait honnête, il est survenu de réelles ruptures occasionnelles. Environ une vraie rupture tous les trois jours. Pour la traiter, il faut environ une quinzaine de minutes. L’entreprise accepte alors de prendre à sa charge le surcoût de transport relatif à ce reliquat de commande.
Néanmoins, auparavant une commande de 10 lignes pouvait être retardée pour une ligne en rupture d’approvisionnement, alors que maintenant, 9 lignes sur 10 sont livrées à l’heure. De plus, pour chaque rupture, la responsable commerciale appelle le client pour lui transmettre l’information.
À la grande surprise du service ADV, les clients n’ont pas râlé, mais au contraire, ils ont remercié le service pour les avoir prévenus et surtout … pour ne pas avoir mis l’ensemble de la commande en retard.
Sur une année (de 220 jours), cela représente environ : 715 heures / an !!!
Que faut-il retenir ?
- La somme totale des temps gagnés (750 + 223 + 715) représente 1 688 heures !
soit un “équivalent temps plein”. L’entreprise est donc plus performante, puisque le temps dégagé a été utilisé pour faire des choses supplémentaires avec la même masse salariale.
- Ce chiffre de 1 688 heures est sous-estimé. En effet, l’arrêt de certaines vérifications inutiles dans un service entraîne généralement la diminution des sollicitations de personnes connexes à ce service. Par exemple, l’assistante qui ne vérifie plus les dispos ne va plus solliciter l’approvisionneur. L’approvisionneur a aussi gagné du temps. C’est le second effet Kiss Cool du Kaizen …
- Le fait de pouvoir avertir le client dès le constat de la rupture a donné une image plus professionnelle de l’entreprise. Le taux de service global s’améliore, puisque le nombre de lignes de commande en retard diminue. Les clients étant dans la grande distribution, plus vite les produits sont dans les rayons, plus vite ils ont de chances d’être vendues. Au global et sur une année, on peut supposer un peu de chiffres d’affaires en plus. Etc., etc. c’est le troisième effet Kiss Cool !!!
- Le fait d’arrêter de vérifier des choses inutiles ne nécessite pas d’investissement financier. Cela ne coûte rien. Peut-être un léger surcoût dû au fait que l’entreprise accepte de payer le surplus de transport pour des lignes de commande en retard. Mais comme la plupart du temps ces lignes sont livrées avec les commandes suivantes, au regard du gain pour l’entreprise, ces coûts sont minimes, voire négligeables.
- Arrêter de vérifier quelque chose ne nécessite pas d’investissement financier, mais pas non plus d’investissement temps. Il suffit de le décider. C’est facile “physiquement” … un peu moins “mentalement”, car les habitudes sont bien ancrées.
- Dernier point. Les trois exemples cités ci-dessus sont des exemples de chantiers Lean Office. Nous avons appliqué les principes de Lean à des processus administratifs.
Pour un grand nombre d’industriels, le Lean est synonyme de performance … dans l’atelier. Pourtant, l’un d’entre eux me disait il y a quelques mois qu’il commençait à percevoir “la mine d’or” à exploiter au sein de ses services administratifs. Il prenait conscience du gisement de gain à faire dans les bureaux.
Un gisement bien moins visible, mais souvent bien plus important (la partie cachée de l’iceberg) !
Et vous, gaspillez-vous votre temps à vérifier des choses qui n’en valent pas la peine ?
Comme d’hab’ Eric, bien amené, bons exemples en appui, c’est à dire banals (pas tordus), que chacun peut voir dans sa boîte… Et on se dit « que va-t-il nous trouver à la prochaine ? » Merci d’avance !
Salut Martial,
je te remercie pour ton commentaire sympa.
Comme tu le dis, les exemples sont crédibles … car réels.
J’avoue parfois un peu jouer sur la forme pour les rendre plus explicites, mais jamais sur le fond.
Tous le jours je continue à apprendre grâce au Lean. Alors j’essaie d’en « redistribuer » un peu autour de moi avec ces quelques articles.
Amitiés,
Eric
Pingback: Connaissez-vous la vérifinite aiguë...
Pingback: Lean : La peur du sans filet | Au fil du Lean ...