Non ! Nous ne parlons pas de nos problèmes !
Oh, bien sûr, vous le croyez “dur comme fer” !
Les problèmes, nous en avons plein, … tout le temps, … en permanence …
D’ailleurs, nous passons notre vie (pro comme perso) à résoudre des problèmes !
Je vous entends penser : “Sur ce coup là, Eric, t’es gentil, mais tu débloques dans ton Blog”.
C’est bien ce que je dis :
Vous CROYEZ !
Et je vais plus loin en vous posant la question :
Pourquoi vos problèmes sont-ils si difficiles à résoudre ?
Peut-être simplement parce que vous n’en parlez pas directement …
Mais de quoi parle-t-on ?
Oh, je fais le fier, le “barbot”, le “kéké” … en écrivant cet article.
Mais en fait c’est quelque chose dont je viens vraiment de prendre conscience il n’y a que très peu de temps.
Nietzsche disait :
Ce à quoi on n’a pas accès par l’expérience vécue,
on n’a pas d’oreilles pour l’entendre
Je savais déjà que nous avions du mal à expliciter nos problèmes, mais aujourd’hui, pour l’avoir vécu plusieurs fois lors de chantiers de progrès, je me rends compte à quel point c’est vrai.
Et rassurez-vous, … je ne fais pas exception à la règle.
En fait, la plupart du temps, nous ne parlons pas de nos problèmes, nous évoquons …
… les solutions que nous souhaitons mettre en œuvre
pour résoudre ces problèmes !
Nos SOLUTIONS !!!
Exemple de terrain
J’assiste, en qualité d’observateur, à la présentation d’un jeu Lean sur les flux. Le but est de créer des produits, de les assembler et d’honorer des commandes clients.
Le support est le papier. Il y a plusieurs postes : Traçage, découpe, pliage, collage, assemblage, contrôle qualité, cariste, manager et … le client.
L’animateur explique le fonctionnement de “l’usine” et lance une première séance de production de 15 minutes.
Un quart d’heure après, un état des lieux est fait. Le résultat n’est pas terrible …
L’animateur demande alors au manager de faire le point avec son équipe et de proposer des actions à mettre en œuvre pour améliorer la situation. Il a 15 minutes.
Le délai écoulé, l’animateur revient et écrit sur un Paperboard les actions dictées par le manager. Dans la salle, c’est le brouhaha. Presque tous les acteurs (14 personnes) parlent en même temps et commentent (d’accord, pas d’accord, …) les actions qui sont proposées par le manager.
Une fois la liste énumérée, une douzaine d’actions sont inscrites.
L’animateur se retourne vers la salle, regarde le groupe et demande si tout le monde est d’accord.
Bien entendu, certains le sont, d’autres non. Mais comme dit plus haut : “c’est un joyeux brouhaha”
C’est alors que l’animateur pose au groupe cette unique question :
C’est quoi le problème ?
L’effet a été très impressionnant. Je m’en souviendrai toujours.
En une seconde, la salle bruyante est passée …
à “un silence de mort” !
L’animateur a alors doucement répété la question.
Progressivement, les langues ont commencé à se délier, mais cela débutait toujours par “Il faudrait faire …”.
L’animateur a alors plusieurs fois répété la question : “Quel est LE problème ?”
Personne n’a répondu correctement, et le silence est revenu.
Pour finir, l’animateur a alors dit au groupe :
Le problème, c’est que le client
n’a pas eu les produits qu’il a commandés !
Puis il a “ordonné” au groupe de partir de ce fait et de se poser la première bonne question, à savoir :
Pourquoi le client n’a-t-il pas obtenu les produits qu’il a commandés ?
Second exemple de terrain
C’était il y a peu. Je commence un petit chantier de progrès dans une PME. Le groupe est constitué de 3 à 4 personnes.
Comme toujours, j’utilise un document A3 (méthode de résolution de problème qui fera l’objet d’article(s) futur(s) ) pour guide et support du chantier.
Dans la case Contexte, le groupe me dit qu’il lui manque “une procédure automatique pour connaître mois par mois le montant de dollars qu’il sera nécessaire de demander aux banques”.
Bon, très bien, pourquoi pas ? Je découvre le problème.
Mais voilà, sans doute les années et la pratique du Lean aidant, j’ai pris l’habitude de “gratter” …
Je commence alors à leur poser quelques questions :
- Q: Est-ce nouveau pour vous de travailler avec des dollars ? R: Non, cela fait plusieurs années que l’on utilise cette devise pour régler nos achats à l’importation.
- Q: Savez-vous aujourd’hui dire quel montant en dollar la banque doit débloquer pour régler les factures import du mois suivant ou les factures proforma import en cours ? R: Oui, nous les calculons tous les mois.
Je sens alors “venir le loup”, le problème mal formulé …
Je leur pose alors la question fatidique : “Quel est votre problème ?”
La réponse est : “Nous n’avons pas de procédure automatique pour …”
Je continue : “En quoi le fait de ne pas avoir de procédure automatique pour …, est un problème ?”
La réponse fuse : “Parce que nous faisons le calcul tous les mois à la main, que c’est compliqué et que c’est long !”
Là est leur vrai problème : c’est un problème de temps et de complexité !
Et naturellement, sincèrement, ils en ont déduit qu’en ayant une procédure automatique à leur disposition , cela leur enlèverait leur épine du pied.
Sans rentrer dans plus de détail, nous nous sommes alors demandé pourquoi c’était si long et complexe … et en “grattant” un petit peu, nous avons abouti à une cause racine montrant que leur système d’information (leur ERP) n’était pas correctement renseigné au moment de la saisie des commandes d’achats en Dollar.
Si l’on avait abordé le problème par “la solution qu’il aurait fallu mettre en œuvre selon leur point de vue”, ils n’auraient rien fait d’autre qu’ajouter “une procédure de plus” sans corriger la vraie cause du problème.
En revanche, en corrigeant le vrai problème (personne aux achats mal formée ou mal informée), ils ont évité d’ajouter “une couche supplémentaire” (la procédure automatique), et ils ont pu utiliser les procédures déjà existantes dans leur système.
Que faut-il retenir ?
Face à un problème, notre cerveau fait naturellement le saut à la solution qui nous protège le plus.
C’est un peu comme si le problème était une agression. Notre cerveau cherche le moyen le plus rapide de revenir à une situation de confort, paisible et sereine.
Pour cela, notre imaginaire construit une solution simple. Cette solution se basant bien souvent sur notre ressenti et donc sur notre état émotionnel.
Dès lors, nous ne présentons plus à notre entourage quel problème nous cherchons à résoudre, mais bien …
… quelle solution nous croyons nécessaire de mettre en œuvre !
Malheureusement, bien souvent cette solution ne résout pas le problème ou seulement de façon parcellaire !
Et dans les cas les plus marqués, il m’est même arrivé, en grattant un peu, de constater qu’il n’y avait en fait …
… pas de problème !!!
Et vous, parlez-vous de vos problèmes ou de vos solutions ?