Un témoignage en OR !
Il est des “pépites” qu’il ne faut pas laisser passer ! Et c’est le cas aujourd’hui !
Suite à la publication de mon dernier article “L’équipe de nuit nuit …”, j’ai reçu un commentaire de Fabrice (MÔSSIEU Fabrice, devrais-je dire) qui témoigne de son vécu.
Et son histoire cadre tellement au sujet, qu’avec sa permission, j’ai décidé de transformer son commentaire en article pour vous en faire tous profiter.
Il était une fois …
Fabrice Couroussé (cliquez ici pour voir son profil) a une bonne expérience du terrain industriel.
Il a aussi l’immense privilège d’être abonné à mon blog depuis pas mal de mois … 😉
HEUUUU ! En fait, c’est l’inverse ! C’est moi qui suis privilégié de l’avoir comme abonné (comme vous tous que je remercie au passage).
Il réagit régulièrement en laissant des commentaires. Mais là, il nous fait un remarquable cadeau dont je ne pouvais faire autrement que de le partager avec vous.
Son cadeau, c’est …
… son témoignage de terrain !!!
Le témoignage de Fabrice
Voici ce qu’il m’écrit en commentaire de mon précédent article : L’équipe de nuit nuit …
Bonjour Eric,merci pour cet article.
Mon humble expérience personnelle m’a permis de vivre une situation que je vois comme complémentaire.
Ayant à faire face a une forte commande, je me suis retrouvé avec une machine goulot où ça ne passait plus en journée normale…il fallait presque tripler le débit pour livrer au délai !
La première solution était de passer carrément en 3X8 pendant 1 mois pour avaler le volume, ce que me disaient mes boss, en m’expliquant que ce n’était pas un problème et que mon boulot c’était ça, “point barre” ! En plus, comme il resterait du temps (presque tripler, pas complètement) cela permettrait de faire d’autres commandes plus vite pendant ce mois-là … donc du CA en plus …
Petit détail dont ils se fichaient; il n’y avait que 2 personnes vraiment qualifiées pour conduire cette bécane… et je n’avais que 2 semaines pour réagir. Pas question de former quelqu’un sérieusement (sécurité, efficacité, capacité de décision) en si peu de temps.
De plus, je venais d’arriver sur le site et j’étais plutôt vu comme un “inquisiteur” dans cette boite qui venait d’être rachetée…
Et là, j’ai eu un moment de lucidité dont je reste fier des années après !
J’ai réuni les 2 conducteurs, le programmeur de la machine et le technicien de maintenance:
– je leur ai expliqué simplement et sincèrement la situation
– je leur ai demandé de venir avec moi sur la machine pour voir quelles étaient toutes les solutions possibles.Ils ont râlé, m’ont traité de taré, dit que les patrons voulaient couler la boite et j’en passe des meilleures! Je leur ai répondu que c’était un défi pour des pros comme eux et que je les soutiendrais avec mon regard extérieur et pour trouver les moyens.
On a été sur le terrain et je leur ai fait regarder leur job en cherchant tous les petits gaspillages.
On a gratté des secondes de cycles, repris tous leurs gestes en les repensant ensemble, ils ont eu besoin d’un aménagement de poste peu coûteux qui a été fait en 2 jours et m’ont demandé de leur adjoindre 2 gars en qui ils avaient confiance pour faire un essai en 2X8 la semaine suivante.
Eh bien, on l’a fait !!
Et ça a marché: en un mois, on a livré comme prévu.
Mais ce n’est pas là le plus important !!!
Ces nouveaux standards sont restés quand on est revenu en journée normale et ce poste n’a plus été un goulot !
Les 2 compagnons en ont profité pour mieux faire leur entretien de fin de semaine, surveiller beaucoup plus la qualité de leurs fabrications…donc moins d’arrêt imprévus, de retour qualité (quand on fait le point régulièrement on peut prévenir la maintenance des dérives…) et aussi un goulot de moins à gérer pour moi !!
Plus un autre regard dans l’atelier quand “j’y passais dire bonjour tous les matins”.
Voilà bien une petite histoire vécue qui est pleine de “lean”, non?
Bien cordialement
Fabrice
Que dire de plus ?
Vous la voyez “la pépite”, là. Ce n’est plus le consultant Eric qui essaie de vous faire partager son apprentissage du Lean “au fil de l’eau”.
C’est un responsable de production qui s’est retrouvé dans une situation bien réelle !!!
Ce qu’il faut retenir de ce témoignage
Décortiquons un peu le récit et mettons l’accent sur certains faits :
- Comme toujours (allez, 99,9 fois sur 100), le management saute du problème à la solution.
Un problème apparaît … “Y A QU’A, FAUT QU’ON” ! Une commande exceptionnelle sur un poste déjà goulet d’étranglement … “y a qu’à” le passer en 3X8 !
Pourquoi est-il goulet ? Est-il réellement possible de le faire “tourner en 3X8”, dans de bonnes conditions de travail, à un bon niveau de qualité et de productivité ?
Oh, tu nous emm…. avec tes questions, Eric !
Vous ai-je déjà raconté l’histoire du gars qui produisait 3 châssis mécanosoudés par jour. Le jour où la boite à dû répondre à une commande exceptionnelle, ils ont mis 3 gars “sur le coup”. À 3, “ils sortaient” 6 à 7 châssis par jour et non pas les 9 … comme prévu en théorie.
- Autre point :
Petit détail dont ils se fichaient; il n’y avait que 2 personnes vraiment qualifiées pour conduire cette bécane…
Étendre la plage d’ouverture d’un poste, en “diluant les ressources” qui le font tourner n’apportera pas de productivité supplémentaire. En revanche, le risque augmente nettement, car il rend le système plus sensible face à l’absentéisme d’un opérateur.
Par ailleurs, en termes de management, cela s’appelle “se débarrasser de la patate chaude” en “ouvrant le parapluie”. En gros, le top management se voile la face à l’évocation du problème et fait porter la responsabilité de la chose sur son responsable de production.
Si cela fonctionne, c’est normal et il y a de grandes chances que l’équipe n’est pas même un “merci”, si cela “merdouille”, ce sera de “sa faute”, c’est qu’il n’aura pas fait son boulot.
Comme management … on a vu mieux ! Pour impliquer l’équipe, … on a vu mieux aussi !
Lorsque les opérateurs pensent que “les patrons veulent couler la boîte” … le sentiment de faire partie d’une équipe … bof, bof !
- Le sentiment de “Ce n’est pas possible !” :
Ils ont râlé, m’ont traité de taré, dit que les patrons voulaient couler la boite et j’en passe des meilleures! …
On a gratté des secondes de cycles, repris tous leurs gestes en les repensant ensemble …
Eh bien, on l’a fait !!
Et ça a marché: en un mois, on a livré comme prévu.
Le premier réflexe que l’on a face à l’inconnu (moi le premier) est de sortir le Joker “Ce n’est pas possible !”.
Fabrice a fait grandir ses gars en les challengeant.
Le défi était de résoudre le problème : “Comment absorber le volume avec ce dont on dispose … et sans passer par une équipe de nuit ?”.
Et ils l’ont fait ! Ils l’ont réussi ce challenge ! Fabrice leur a montré que “oui, c’est possible !” et ce faisant, il a gagné en crédibilité et en légitimité auprès de ses gars. Un vrai atout et un bon début pour commencer à construire un sentiment d’appartenance à une équipe.
- John Shook a écrit un jour : “le meilleur outil du Lean, ce sont vos chaussures”
On a été sur le terrain et je leur ai fait regarder leur job…
La première des étapes a été d’aller au Gemba (le terrain, là où ça se passe) et d’observer pour “voir et apprendre”.
C’est une faiblesse récurrente de nos managers de terrains que de ne pas savoir s’arrêter pour observer ! Ils courent, courent, courent … pour éteindre le feu … et ne voient plus rien, passent à côté de l’essentiel.
- Le second effet Kiss Cool comme dans le cas du Kaizen
Mais ce n’est pas là le plus important !!!
Ces nouveaux standards sont restés quand on est revenu en journée normale et ce poste n’a plus été un goulot !
Les 2 compagnons en ont profité pour mieux faire leur entretien de fin de semaine, surveiller beaucoup plus la qualité de leurs fabrications…donc moins d’arrêt imprévus, de retour qualité (quand on fait le point régulièrement on peut prévenir la maintenance des dérives…) et aussi un goulot de moins à gérer pour moi !!
Il l’a dit. Fabrice a employé le mot “standard”. Cette nouvelle organisation du poste est devenue la “référence”.
Mais surtout, elle s’est ancrée dans le temps. Pourquoi ? Parce que construite avec les gars du terrain. Ceux qui utilisent le poste, ceux qui “savent” (même bien souvent sans le savoir eux-mêmes).
Et les résultats parlent pour eux :
– meilleure Qualité dans le process
– meilleure Productivité
– meilleure Maintenance
Si ce n’est pas un second effet “Kiss Cool” Lean, ça ?!!!
Spécial remerciement
Je tiens une nouvelle fois à remercier Fabrice Couroussé pour son témoignage ainsi que pour m’avoir donné l’autorisation d’en faire un article.
N’hésitez pas à faire comme lui en partageant vos expériences de terrains.
Comme vous pouvez le voir, elles me permettent d’imager au mieux les principes du Lean en me basant sur des faits réels, des faits de terrain.
Et vous, comme Fabrice, avez-vous un exemple à nous faire partager ?
Quel article, vraiment merci.
La preuve que la résolution de problème passe obligatoirement par le GEMBA.
Bonjour Théodore,
je vous remercie pour votre commentaire sympa.
Cela me fait plaisir et m’encourage à continuer, mais je pense que cela va faire encore plus plaisir à Fabrice.
N’oublions pas que c’est lui qui m’a fourni la matière première …
Au plaisir de vous relire et n’hésitez pas à vous abonner si le blog vous plaît, c’est gratos et sans pub … à moins que ce ne soit déjà fait et dans ce cas merci.
Bien cordialement,
Eric
Merci pour tous ces super articles Eric !
Je n’en loupe pas un ! Je les trouves très enrichissant!
Bonne continuation
Bonjour Stéphane,
je vous remercie également pour votre commentaire.
A travers moi c’est Fabrice que vous remerciez et c’est une bonne chose.
Merci pour vos encouragements et au plaisir de vous lire à nouveau.
Bien cordialement,
Eric
Bonjour Eric,
Merci pour à vous et aux abonnés de nous offrir ces messages positifs…
Continuez 🙂
Au plaisir de vous lire !
Bonjour Agnès,
je vous remercie pour vos encouragements et pour avoir pris le temps de lire l’article.
Si vous trouvez le blog intéressant, n’hésitez pas à vous abonner pour recevoir les prochains articles (c’est gratuit et sans pub).
N’hésitez pas aussi à en parler autour de vous … Je vous remercie.
Bien cordialement,
Eric