Le bordel ne nuit pas à la productivité

Mais qui ose encore de nos jours croire cette ineptie ?

 

les-maitres-du-desordre_visuel

 

Et pourtant, cette affirmation je l’ai entendue !!!

 

Où ça ? Dans une Gemba Walk…

 

Une quoi ???

 

Une Gemba Walk (littéralement : Marche de Terrain) est une “sorte de visited’entreprise ou d’atelier. Elle peut prendre plusieurs formes et selon le niveau de maturité Lean des participants, elle peut aboutir à des résultats différents

Dans le cas qui nous intéresse, il s’agissait surtout d’apprendre à voir les Mudas (les 7 Gaspillages) à un groupe d’entreprises, chacune d’entre elles recevant les autres à tour de rôle.

Vous trouverez deux exemples de Gemba Walk dans ce petit film sur YouTube.

 

Mais revenons à nos moutons …

 

Serait-il possible que le désordre ne nuise pas à la productivité ?

 

 

Eh bien non ! J’ai beau chercher, je ne vois aucune raison pertinente pouvant donner du crédit à cette affirmation.

De mon point de vue c’est comme affirmer :

Vitesse et alcool combinés n’augmentent pas le risque d’accident au volant

ou encore :

Fumer un paquet par jour pendant quarante ans n’augmente pas le risque de cancer du poumon

 

Panneau STOP

 

Cela s’appelle de la mauvaise foi !

 

Mais faisons-nous l’avocat du diable

 

J’entends d’ici la remarque classique:

“ Je m’y retrouve, moi, dans mon “bordel organisé” ! ”

 

Soit ! Pourquoi pas ? Mais alors deux questions me viennent à l’esprit immédiatement :

 

  • Êtes-vous seul à travailler sur ce poste/bureau ? Si c’est le cas, je peux concevoir que vous ne perdiez pas trop de temps à retrouver ce dont vous avez besoin. Mais dans le cas contraire, votre “bordel organisé gênera inévitablement vos collègues de travail, car ils utilisent aussi ce poste.
    De plus, eux aussi organiseront le désordre à leur manière … Au final, tout le monde sera gêné !!! Sans parler de l’impossibilité de mettre un “petit nouveau” (ou un intérimaire) à ce poste.Smiley triste

 

De même, je n’évoque pas l’impression que laissera la vue de votre poste auprès d’un client qui visiterait l’entreprise … je vous laisse imaginer …

 

  • De quelle manière votre “bordel organisé” peut-il être plus performant qu’un face-grinespace de travail clair, propre et rangé ?
    A cette question, je n’ai jamais obtenu de réponse …

 

 

Que faut-il retenir ?

 

Il faut savoir lire “entre les lignes”.

 

  • Un opérateur qui vous tient ce discours, devant son propre patron, devant un groupe d’entreprises, ne pense pas ce qu’il dit. C’était tellement absurde, que tout le monde a été surpris. Non, une personne qui affirme sa mauvaise foi est une personne qui se défend ! Elle se défend contre quelque chose qu’elle perçoit comme une agression.

 

  • Je suis habituellement très attentif au fait de ne pas “agresser” les personnes. Bien sûr, je les pousse modérément dans leur retranchement, en usant un peu de provocation . Les déstabiliser un petit peu a pour unique but de les inciter à réfléchir … en sortant “la tête du guidon”.

Mais ce jour-là, dans ce contexte, avec cette personne, … je suis allé trop loin. Et en tant qu’animateur, j’en porte l’entière responsabilité …

Oui, je me suis planté ! Mea Culpa !

 

  • Ce n’est pas en “agressant” les personnes, en les forçant, que nous les ferons changer et évoluer vers le mieux. Dans ce cas-là, elles se bloquent … et “rattraper le coup” s’avère impossible ou presque.

 

  • Les Japonais préconisent “Go and see, Show respect and Ask why”. Le “Show respect”, signifie se présenter et expliquer ce que l’on fait, que l’on ne va pas blâmer, mais que l’on cherche à voir et à comprendre le processus ou le standard de travail. Il signifie aussi être attentif à ne pas froisser les personnes qui travaillent au poste, ne pas être trop insistant ni trop répétitif.

Nous devons absolument nous adapter au contexte, à l’environnement et aux personnes qui apportent la valeur ajoutée, si nous voulons devenir, demain, des supports qui participent à leur développement (voir l’article Develop People).

Si nous ne prêtons une attention particulière à ce “Show respect”, alors nous retomberons inévitablement dans le travers classique de la mise en œuvre du Lean, à savoir, faire du “Taylorisme avec les outils du Lean”, ce que j’appelle le “Canada Lean”.

 

 

 

Et vous ? Vous arrive-t-il comme moi de vous “gaufrer” en beauté ? 😉

 

 

8 Comments

  1. Imagines un ouvrier qui rentre dans un siège social bien bling-bling, rentre dans le bureau du patron. Il y a des dossiers de partout sur le bureau, par terre, sur la table de réunion, chez la secrétaire, les armoires sont ouvertes.

    …et l’ouvrier dit « c’est le bordel ». Le patron lui répond : « je m’y retrouves bien …dans mon bordel. Retournes à ta machine ! »

    Dans une gemba walk l’important est de re-connecter l’objectif de l’opérateur avec l’objectif de l’entreprise. Donc il faut que l’objectif de l’entreprise soit connu de l’opérateur, et qu’on vienne l’aider à participer à cet objectif.

    Exemple : le client n’est pas totalement livré : 70 produits au lieu de 100 demandés. (objectif de l’entreprise : satisfaire ses clients en les livrant.)

    Qu’est-ce qui t’empêche de sortir les 30 produits manquants ? Comment puis-je t’aider ?

    Là, tu vas traiter les bons problèmes et être avec l’opérateur. C’est ça le respect. L’opérateur et l’entreprise sont gagnants.

    • Bonjour Manu,

      je te remercie pour ton commentaire.

      La phrase : « Qu’est-ce qui vous empêche de … ? » est devenue l’une de mes préférées. 🙂
      Notamment, parce qu’elle ramène très vite « au terrain », au concret, à l’opérationnel.

      Ce que tu dis , à savoir « re-connecter l’objectif de l’opérateur avec l’objectif de l’entreprise », est pour moi essentiel. C’est d’autant plus vrai qu’au niveau des PMEs, la communication interne est souvent inexistante et sur le terrain, les opérateurs « vivent au jour le jour » sans trop savoir vers quoi leur entreprise se dirige.

      Mais ce qui me surprendra toujours, c’est le nombre de patrons qui n’ont pas de vision pour leur entreprise. Dès lors, comment faire partager une
      vision et aligner le personnel de l’entreprise sur cette vision … si cette dernière n’existe pas.

      Alors, bien sûr il sera possible d’améliorer des choses (Qualité, Délai, Productivité, Sécurité, etc.), mais si l’on ne sait pas où l’on va … c’est embêtant quand même.

      A bientôt,

      Eric

    • Voilà bien ce que je veux laisser comme message dans le cadre d’un plan d’action 5S; L’exemple doit venir d’en haut!

  2. Je suis bien heureux de lire ce mea-culpa. S’il est une chose que l’opérateur, l’ouvrier spécialisé, voire le chef d’atelier ne supporte pas (dans + de 50 % des cas), c’est bien la remarque, malgré son bon sens, qui en quelque sorte va vexer, toucher l’égo et au final fermer tout dialogue et implication dans un projet d’AC (LEAN), en passant par les 5S. Il me semble essentiel de considérer en priorité le facteur humain dans toute démarche qui risque de créer un bouleversement des habitudes d’un autre âge; Je veux dire par là qu’il faut absolument amener une méthode inconnue dans un service avec une analyse très rigoureuse du terrain, à savoir: « Quel est la tendance actuelle, existent-t-ils des leaders naturels ? Existent-ils des caractériels obtus ? En fait, il faut avoir une approche psychologique sur le terrain, qui puisse nous orienter sur notre démarche à venir.
    Bon, c’est un peu brouillon ce commentaire, mais ça fait avancer le schmilblick.
    Je me mets immédiatement au travail afin d’intégrer sérieusement cette notion d’analyse psychologue dans mon diaporama de présentation (5S).
    Etienne Cloix

    • Bonjour Etienne,

      Je vous remercie pour votre commentaire et partage globalement votre point de vue.

      Permettez-moi d’ajouter ceci:

      Vous dites  » … En fait, il faut avoir une approche psychologique sur le terrain, … ».

      En théorie, c’est vrai. Mais allez dans un atelier avec de vieux briscards, malins comme des vieux singes et vous verrez ce qu’ils vont en faire de votre approche psychologique !

      J’entends dire beaucoup de mal des consultants et j’estime que c’est souvent justifié. Comme dans le cas que je cite, il m’arrive moi aussi de me planter, de ne pas faire ce qu’il faut, d’être trop insistant, trop ci pas assez ça … On ne peut pas être bon tous les jours avec tout le monde, et je le reconnait bien volontiers.

      Mais par contre, il y a bien une chose que j’ai apprise sur le terrain. Les gars sur le terrain, ce ne sont pas « les gentils ouvriers exploités par des patrons sans pitié ». Je peux vous dire un chose, c’est que ce sont les premiers à essayer de vous manipuler (quelle que soit la méthode, les larmes ou les coups de gueule).

      De plus, lorsque vous intervenez dans une entreprise, vous n’avez pas toujours le temps de voir « quelle est la tendance actuelle, s’il existe des leaders naturels et des caractériels obtus … ». J’interviens avec l’équipe en place, je m’appuie sur ceux qui veulent faire avancer les choses, j’essaye de convaincre ceux qui sont freins, et dans les très rares cas où je tombe sur un « saboteur », je demande à ce que la hiérarchie l’écarte du projet.

      Enfin, jusqu’à présent, la meilleure façon que j’ai trouvée pour faire passer les messages, c’est en « désarçonnant » (gentiment, bien sûr) et en faisant douter les personnes par des arguments basés sur des faits et observations sur le terrain. Et pour désarçonner, il faut bien à un moment donné mettre le doigt là où ça fait mal.
      C’est seulement « la pression du doigt là où ça fait mal » qui fera que l’on fait s’interroger ou que l’on blesse.

      J’espère que vous voyez ce que je veux dire. Je l’ai encore vécu sur le Gemba hier …

      Sinon je partage totalement ce que vous dites « Il me semble essentiel de considérer en priorité le facteur humain dans toute démarche qui risque de créer un bouleversement des habitudes d’un autre âge »
      Mais restons lucides, dans l’atelier comme dans le management, il y a rarement des « Bisounours » …

      Avoir compris cela, permet de rester neutre, objectif et surtout de garder un certain recul … qualité essentielle pour un consultant.

      Etienne, merci encore pour votre commentaire qui enrichit grandement mon article. C’est sympa.

      Bon diaporama 5S.

      Bien cordialement,

      Eric

      • Juste quelques mots pour enjoliver le débat; J’ai + de 25 années de terrain en tant qu’ouvrier professionnel et leader de groupe et ce dans des domaines variés, en atelier et sur chantier.
        Je reste persuadé que l’homme est bon, (je site l’ex dirigeant de FAVI). Malgré tout, la communication reste difficile. En ce qui concerne les approches psychologique des individus, j’ai remarqué que mes arguments étaient globalement bien compris et discutés sans chichi par la « classe productive » et ce grâce à mon expérience « d’en bas ». En fait, je n’ai pas de mal à échanger mes expériences vécues en introduisant les notions d’amélioration continue avec des gens avec qui j’aurais pu partager le quotidien productif. Serais-ce le sésame pour qu’enfin les PME-PMI aient confiance en les outils Méthodes-Qualité-H&S ? moi, j’y crois.
        Conscient de ce potentiel, ma démarche personnelle est aujourd’hui toute axée sur l’apprentissage permanent (méthodes-qualité) afin de proposer aux entreprises ce mixe gagnant « terrain-théorie ».
        J’ai été confronté bien des fois à des préparateurs méthodes sortis tout frais du moule DUT qui perdaient trop de temps à faire et défaire. Un responsable de grand groupe de niveau II aéro m’a avouer la tendance actuelle qui consiste à former des équipes très complémentaires, avec en particulier des hommes et femmes qui ont un passé ouvrier.
        Je ne manquerai pas de vous faire parvenir le DIAP 5S et ses commentaires.
        Cordialement
        Etienne

        • Désolé Etienne, je viens de retrouver votre commentaire dans ma liste des « indésirables ».

          Moi aussi je pense comme Zobrist, que, fondamentalement « l’homme est bon ».

          Vos 25 années de terrain, les gars les sentent et cela les met en confiance. C’est un bon atout que vous avez là.

          Vous parlez des DUT, mais que dire de certains jeunes ingénieurs tout juste sortis de leur école…
          Mais nous y sommes tous passés, nous avons tous fait nos « classes » industrielles … soyons indulgents.
          Et après tout… ne sommes-nous pas tous encore des débutants Lean ?

          J’attends avec impatience de voir votre diaporama 5S.

          Bien cordialement,

          Eric

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