Le Lot … un ami qui vous veut du bien

 

affiche harry un ami

 

Peut-être vous souvenez-vous de cet excellent film ? Il s’intitulait :

 

“Harry, un ami qui vous veut du bien”

 

C’est une sorte de thriller psychologique dans lequel progressivement le gentil copain un peu sans gêne se transforme en psychopathe avéré …

 

Je vous recommande vivement de voir le film.

 

Mais quel rapport avec le Lean et la production par lot ?

 

Oh rassurez-vous, la production par lot ne vous tuera pas … pas vous, … pas tout de suite.

Mais en quelques années, elle risque bien de tuer votre entreprise à petit feu.

 

Êtes-vous prêt à faire rentrer le loup dans votre bergerie ?

 

Laissez-moi partager avec vous cette expérience de terrain.

 

Il y a quelques semaines à peine, j’intervenais au sein d’une entreprise produisant de magnifiques machines agricoles.

Énormes, colorées, rutilantes … bref le jouet de rêve de tout gamin pour accrocher à son tracteur miniature dans un bac à sable …

Le jeune et dynamique directeur de l’entreprise nous fait visiter ses ateliers et nous explique que chaque machine est personnalisée selon les besoins des clients et donc que chaque machine est … “différente”.

Il nous explique aussi que l’entreprise est en pleine évolution. Elle passe du stade “artisanal” au stade “industriel”. Cette évolution se traduit sur le terrain par une évolution à la hausse du nombre de machines fabriquées, de quelques unes à quelques dizaines par an.

 

Tout cela est très positif, où est le problème ?

 

Le problème, nous dit-il, c’est que nous ne pouvons plus travailler comme avant

En effet, lorsque nous ne faisions que quelques machines par an, à chaque machine correspondait un OF (Ordre de Fabrication). Dans chacun des ateliers (mécano-soudure, peinture et assemblage), un ouvrier prenait un OF et “faisait le boulot” de A à Z.

Or, d’une machine à l’autre, la qualité n’était pas la même.

 

Devant mon air interrogatif, il poursuit :

Chacun travaille comme il veut et tous ne travaillent pas de la même façon avec le même niveau de qualité … mais, me dit-il rayonnant, nous avons trouvé la solution ! Nous avons décidé …

 

… de travailler par lot

 

Après un bref moment de stupeur non dissimulée, je lui demande :

 

En quoi la production par lot vous permet-elle de réduire vos problèmes de qualité ?

 

Queue du Mickey

Et là, avec l’air du gosse qui vient de décrocher la queue du Mickey sur le manège, il me dit fièrement :

 

  • Lorsqu’on travaille par lot, c’est toujours le même opérateur qui exécute la tâche. Il procède donc toujours de la même manière.

 

  • Il suffit de mettre les “bons ouvriers” aux “bons endroits” et on n’a plus de problèmes de qualité.

 

idee

Et la lumière fut …

 

J’ai subitement compris ce qu’il avait voulu faire, mais surtout … sa confusion.

 

Il a confondu “travail répétable” et “travail standardisé

 

Son intention était louable. Elle était de rendre les étapes du processus de fabrication robustes et fiables en produisant par lot et en faisant faire ce travail par un opérateur de confiance. Il pensait ainsi augmenter son niveau de qualité.

 

Et cela a fonctionné … au départ

 

Mais que se passe-t-il si :

 

  • le “bon ouvrier” quitte l’entreprise (ce sont généralement ceux-là qui trouvent le plus facilement du travail ailleurs) ou part à la retraite ?

 

  • le “bon ouvrier” est malade ou absent ?

 

  • le “bon ouvrier” n’est pas dans un “bon jour” ?

 

  • le “mauvais ouvrier” doit un jour remplacer son collègue “bon” (toutes les pièces sortiront-elles avec des défauts) ?

 

Que fait-on des opérateurs moins fiables ? Sont-ils affectés à une étape moins délicate avec un “contrôleur sur leur dos” pour vérifier que le boulot est bien fait ?

Ne peuvent-ils pas s’améliorer et progresser pour devenir “des bons” en leur faisant profiter des savoir-faire de leurs collègues plus compétents, plus consciencieux, … ?

 

Confusion classique : Répétable ne signifie pas standardisé

 

Ce n’est pas en rendant une opération répétitive artificiellement (en produisant par lot) que la qualité s’améliorera, …

 

… c’est en créant un standard de fabrication !!!

 

Nous devons tous prendre garde, car cette confusion est répandue.

 

Et puis, n’oublions pas : le standard est le premier pas de l’amélioration continue.

 

Sans standard, pas d’amélioration possible

 

Après avoir mis en lumière cette confusion, le directeur a compris qu’il était en train de faire fausse route en laissant entrer un loup dans sa bergerie et en l’accueillant les bras grands ouverts.

 

Nous allons nous revoir bientôt … 🙂

 

Et vous qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà vécu une telle situation ?

 

PS: Allez, de vous à moi, juste pour vous faire réfléchir, voire douter un peu … saviez-vous qu’une des trois conditions préalables au travail standardisé est ………………. la répétabilité ? 😉

 

 

 

4 Comments

  1. Comment fait on pour les royalties!?! L’enfer est pavé de bonnes intentions! À cet égard la démarche Lean nous oblige à reconsidérer nos approches des processus de fabrication !!! Pas facile de déloger les pré-requis: to be continued … My pleasure

    • Bonjour Matthieu, ravi de vous voir ici 😉

      Pour les royalties, … on s’arrangera … 🙂

      Oui, c’est exact, l’enfer est pavé des meilleures intentions … et l’approche Lean, si elle est souvent pleine de bon sens, n’est pas toujours intuitive.

      Par ailleurs, on n’enlève pas 100 ans de « Taylorisme », « Fordisme » et réflexes de production de masse en un coup de baguette magique. Nos schémas mentaux, croyances et paradigmes sont profondément ancrés en nous. Pour vous rassurer, je suis le premier concerné, ce qui me permet de voir combien le chemin sera long … mais aussi passionnant.

      A très bientôt, Matthieu.

      Bien cordialement,

      Eric

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