… stress ou sérénité ?
Avant toute chose, et pour ce premier article de l’année, permettez-moi de vous souhaiter à tous …
… une belle et heureuse année 2019 !
Depuis le début de ce modeste blog, nombreux sont mes articles qui vous parlent de “Standard”.
J’ai longtemps envisagé de faire une série d’articles sur le sujet. Mais la notion de standard est tellement vaste et touche tous les domaines, principes et concepts du Lean.
Or, j’ai bien peur qu’une telle série sur ce sujet précis ne finisse par vous lasser …
Aussi ai-je décidé de n’aborder cette notion de “Standard” que sous l’angle particulier de :
Standard : prison ou liberté, stress ou sérénité ?
Le contexte
Ho oui ! Je ne le sais que trop bien. Le Lean a mauvaise presse en France. Et pas seulement auprès de délégués syndicaux.
Pour preuve, lors de la présidentielle de 2017, alors que tous les candidats mettaient en évidence le manque de compétitivité des entreprises françaises dans un système économique mondialisé, un seul a évoqué le Lean. C’était Benoit Hamon, … et uniquement pour le diaboliser !
Mais pourquoi un tel rejet ?
La réponse est bien sûr évidente : « Le Lean, c’est revenir aux heures les plus sombres de notre ère industrielle, celles de l’asservissement de l’homme, obligé de suivre des standards de production dont l’unique but est l’augmentation sans fin de la productivité. »
Ha, le doux air de la lutte des classes de mon enfance, Georges Marchais, Krazucki, le PCF et l’URSS …
Alors, c’est cela ?!
La standardisation serait donc à la base
de tous nos maux professionnels ?!
Régulièrement, j’entends parler de “standardisation à outrance”, de “standards inhumains” ou encore que “la standardisation est la source des TMS (Troubles Musculo Squelettiques)”
Mais alors, les standards ne sont-ils synonymes que de prison et de stress ? Et la standardisation n’est-elle définie que comme la parcellisation du travail et les tâches répétitives et abrutissantes qui s’y rapportent?
Moi, je kiffe les standards !!!
OK, c’est vrai. Le titre de ce paragraphe est un peu provocateur. Mais prenons deux minutes pour réfléchir.
Si comme moi vous avez eu le bonheur de voyager dans un pays anglo-saxon dont la conduite est à gauche, vous aurez certainement apprécié que les pédales d’embrayage, de frein, et d’accélérateur n’aient pas été inversées comme le sont le volant et le levier de vitesse.
Heureusement, la standardisation internationale de l’emplacement des pédales nous permet de conduire une voiture dans tous les pays du monde …
LIBERTÉ
Que dire encore de la monnaie unique européenne qui vous permet de traverser l’Europe avec les “biftons” qui sont dans votre poche.
Sans parler du commerce entre les pays de la zone euro qui est facilité (plus de parité entre monnaies, facturation et règlements simplifiés, etc.,etc.).
Oui, la monnaie européenne est un standard !
LIBERTÉ
Mais, si vous le voulez bien, revenons aux standards dans notre vie professionnelle.
Devoir faire face aux imprévus est une source de stress importante.
N’avons-nous pas tous connu des situations de boulot, où l’on se dit : “que va-t-il m’arriver comme tuiles aujourd’hui” ?
Lorsque le “bordel” est le standard et est notre quotidien, alors tout n’est que difficulté et source de stress.
En revanche, nous avons aussi tous connu des matins où nous arrivions au travail “cools”, décontractés en sachant ce que nous avions à faire, comment le faire, quand le faire et pourquoi le faire.
SÉRÉNITÉ
Mea Culpa ! Je le reconnais ! J’aime les standards !
Nota : Oui, j’aime les standards et je l’assume. Parce que dans cet article, je prends une position volontairement partiale pour montrer “le verre à moitié plein”. Mais faut pas me prendre pour un “neuneu”! Je sais bien qu’il existe des situations où les standards provoquent tout sauf la liberté et la sérénité.
C’est un parti pris de ma part. Nous, Français, sommes tellement habitués à ne voir que le mauvais côté des standards qu’il me paraît nécessaire d’en montrer un peu les bienfaits.
J’aime les standards, …
… car ils sont pour moi un gage d’autonomie, de confort et de sécurité
qui apporte tant la liberté que la sérénité, à l’individu et à la collectivité.
Encore faut-il que ce soient de bons standards !!!
Bon et mauvais standard
Bon standard ? Mauvais standard ? Mais “c’est quoi” la différence ?
Un bon standard est avant tout
un standard qui est adopté et…
… UTILISÉ !!!
Pour cela, il doit être :
• Simple (et évident, il est plus facile de le faire que de ne pas le faire)
• Utile
• Adapté
Il doit permettre :
• Efficacité
• Capitalisation
• Autonomie
Un bon standard est un “cadre”. Il permet de répondre à un maximum de situations et contextes, mais il n’est pas là pour pallier l’impossible ni l’exceptionnel.
Pour garantir l’autonomie, la réflexion, voire l’innovation, la créativité et donc le Kaizen, ce cadre doit laisser quelques degrés de liberté à l’homme. Dans le cas contraire, nous obtenons l’effet opposé à celui désiré. Votre standard devient alors quelque chose de “psycho-rigide” et sera ressenti comme une prison.
Par ailleurs, pour être adopté, un standard doit nécessairement être créé avec la personne qui l’utilisera. Trop souvent, ce sont les “techniciens” du service Méthodes, qui viennent imposer le standard “au terrain” (quand ce ne sont pas les consultants 😉 …) !
Mais qui connait le mieux le travail que celui qui l’exécute depuis des années ???
Nota : Il m’est très souvent demandé : “Comment devons-nous faire ?”. Chaque fois, j’explique poliment que ce n’est sûrement pas moi, Eric, qui ne connais pas le poste, qui ne connais pas le métier sur le poste, qui ne connais pas le quotidien du poste à leur dire comment faire leur “boulot”. J’en suis bien incapable. En revanche, poser des questions pour les faire douter, réfléchir et prendre du recul sur leur propre job, ça, oui, je le peux !
Enfin, il est un point qui me semble PRIMORDIAL !
Il vaut mieux un standard moins abouti, mais utilisé par tous, qu’un standard plus “Pro” mais imposé puis rejeté.
“La sagesse de dix personnes est préférable
à la connaissance d’une seule”
(Masaaki Imaï)
En effet, un standard doit vivre, évoluer et parfois mourir. Je ne connais pas de standard parfait du premier coup.
Au risque de procrastiner, nous ne devons pas être perfectionnistes, mais pragmatiques. Faisons maintenant avec ce que l’on a sous la main. Faisons du “Mc Gyver”, s’il le faut.
Aussi imparfait soit-il, c’est parce qu’on utilisera un standard au quotidien, sur le terrain, qu’on apprendra des choses et qu’on saura comment l’améliorer. Pas en réfléchissant dans un bureau …
Dès lors, tout ce qui ne rassemble simultanément pas ces trois caractéristiques (simple, utile, adapté) n’est pas un bon standard.
Nota : Je ne vis pas dans un monde de Bisounours. Il est parfois des situations où des standards doivent être imposés. On ne négocie pas avec la sécurité des hommes. Les EPIs (chaussures de sécurité, bouchons d’oreilles, gants, lunettes, …) doivent être portés. Même si ça fait ch… les gars, c’est pour leur bien. Par contre, il faut travailler avec eux pour voir s’il existe des modèles plus adaptés que d’autres… De plus, dans certains cas, les EPIs peuvent poser problème. Je pense aux gants lors d’utilisation de très petites pièces. Couper l’extrémité d’un ou deux doigts (type mitaine) peut alors faciliter les manipulations tout en protégeant le reste de la main. Il faut savoir trouver des astuces … 😉
Ce qu’il faut retenir
1) Le standard est nécessaire
Pour fonctionner, toute organisation doit s’adapter et résoudre des problèmes. Or, un problème n’est un problème que s’il fait consensus sur son côté “anormal”. Qui dit “anormal”, dit “normal”. Qui dit “normal”, dit “norme”. Qui dit “norme”, dit “standard”.
Un problème est un écart au standard !!!
Donc, de ce point de vue, “pas de standard, pas de problème” ! Et si “pas de problème”, alors pas de possibilité de s’améliorer, de progresser, de découvrir, d’apprendre, de vivre !
Et vivre me semble être une LIBERTÉ fondamentale !
2) Pour être un vrai standard, le standard doit être un bon standard
Un (bon) standard (même imparfait)
est un standard utilisé !
Un mauvais standard utilisé est un standard imposé. Oui, c’est une forme de prison qui génère du stress.
La preuve, dès qu’il n’est plus imposé, il cesse d’être utilisé.
Un standard (même parfait) qui ne serait pas bon ne sera pas adopté ni utilisé.
Un standard qui ne serait pas adopté ni utilisé devient simplement une règle.
Un standard qui ne serait pas utilisé revient à pas de standard … pas de standard, pas de problème … retour à la case départ, retour au 1).
Alors oui, je le pense sincèrement :
Sans standard, pas de liberté !
Et vous, pensez-vous comme moi que les standards mènent à la liberté ?
Nous avons tous besoin de standards. Pour notre sécurité, quand on traverse tous au vert. Pour notre confort, quand on sait ce qu’il faut faire pour produire de la qualité sur un poste de travail. Pour notre plaisir, quand le pâtissier cuisine tous les jours une tarte au citron qui a le même gout…
Mais attention, le standard est un outil pas un but. Ce qui décrédibilise le standard, c’est que certains en mettent partout (et surtout là où il n’y en a pas besoin), c’est qu’on ne vérifie pas le respect des standard work et c’est qu’on confond standardiser et copier/coller.
Bonjour Gauthier,
merci pour votre commentaire et désolé de ne pas avoir pris le temps de répondre plus tôt.
Je partage votre point de vue. Oui, le standard est un outil et non une finalité. C’est bien de le préciser …
Je n’ai pas grand-chose à ajouter, si ce n’est qu’à mes yeux ce qui décrédibilise le plus un standard c’est de ne pas vérifier
qu’il est appliqué, utilisé, respecté.
Nous avons cité bien des raisons pour souligner l’utilité et la nécessité du standard.
Mais vérifier qu’un standard est appliqué et devoir le faire respecter est l’un des premiers devoirs des managers.
Le standard est donc de ce point de vue, un outil/support d’apprentissage du management …
C’est aussi ça l’entreprise apprenante.
Au plaisir de vous lire à nouveau.
Bien cordialement,
Eric