… il ne faut pas oublier le bon sens !
Enfin ! C’est arrivé !
Les grandes vacances d’été sont là !
Vous allez pouvoir faire le plein de soleil. Direction le Sud …
Les bagages sur les places arrières, les enfants dans le coffre … ou plutôt l’inverse 😉 , et “roule ma poule” je m’engage sur l’autoroute.
Mais voilà ! Vous n’êtes pas seul ! “Tout le monde” fait pareil. Pour peu que vous ayez tiré les bons numéros, je veux dire “A6” vers Lyon, “A7” vers Marseille ou “A10” vers Bordeaux et que vous soyez “un samedi de la mort” (autrement appelé par Bison Futé jour rouge ou noir), vous découvrez les joies des embouteillages sur les autoroutes du soleil.
Nota : Cela vous donne un peu l’impression d’aller au boulot comme tous les matins et de vous retrouver bloqué sur le Périph ou la rocade de votre ville. Et là, comme on dit, c’est un peu les boules pour un départ en vacances … 🙁 !!!
Ma petite histoire
C’était il y a deux ou trois ans. Les vacances “me tardaient”. Ne suivant pas les avertissements de mon épouse, je décide de partir avec les enfants en direction des cotes océanes, un samedi noir.
Je me dis : “je vais partir assez tôt, comme ça j’aurai moins de monde … et pis s’il y en a quand même, bin ce sont les vacances, alors “cool mon frère”, je patienterai. Après tout, j’ai la clim dans la bagnole …”
1) Partir tôt : À priori c’est une bonne idée. Mais partir tôt, … c’est 4 ou 5 heures du matin ! Pas 8h30 !
2) Peut-être est-ce une déformation professionnelle liée au Lean, ou à mon trop grand âge, mais je surestime toujours ma capacité “de patience” dans une situation de Mudas d’attente. Que ce soit au resto ou dans les embouteillages, … attendre me gonfle “puissance 10”.
Je prends donc le volant vers 8h30. Je coupe par les petites routes de campagne jusqu’à Niort pour rejoindre l’autoroute A10 en direction de Bordeaux. Vers 10h, je m’engage sur l’autoroute A87 (Nantes – Niort) et après quelques kilomètres … The Big Bouchon.
Pourtant nous sommes encore loin de l’embranchement A87-A10. Mais tout est déjà saturé, bouché, immobile …
Je garde mon calme, rassure les enfants qui avaient été contaminés par l’avis de leur mère (Ouai ça bouchonne, mais vous allez voir, ça va avancer par “à coup”), et je me dis “cool, ça va bien le faire”.
Eh bien non ! Ça ne l’a pas fait ! Tout était immobile, même pas d’à coup, juste une avance d’une ou deux voitures toutes les deux minutes… et puis nous étions encore loin de la jonction avec l’A10, … et puis la radio nous disait que c’était un jour noir “de grand départs”, … et puis cela a commencé à me saouler, … et puis ma patience à des limites (environ 10 interminables minutes 😉 ), … et puis j’ai pris la première sortie et nous avons tenté l’aventure …
… n’importe quelle route pourvu qu’elle roule !
Et là, surprise de chez surprise. Je m’attendais à trouver un réseau secondaire chargé et à devoir emprunter de toutes petites routes en bataillant ferme avec mon GPS.
Mais non, rien ! J’ai traversé Niort, j’ai pris une départementale en direction de Saintes. C’était une bonne route, une deux voies comme il y en a partout dans nos campagnes. Bien sûr, il y avait bien quelques voitures et caravanes. Bien sûr, il y avait bien la traversée des villages, les “cédez le passage”, les “Stops”, les feux rouges, les ralentisseurs, etc., etc., … mais dans l’ensemble cela roulait.
Pas à 130, certes, mais entre 70 et 90 !
Et comme nous longions l’autoroute, mon système d’aide à la conduite (mais si, vous savez ce petit boitier qu’on appelait avant “avertisseur de radar”, mais qu’il est plus politiquement/hypocritement correct aujourd’hui d’appeler “boitier d’aide à la conduite”) me signalait des bouchons partout sur l’A10. Et nous, nous roulions !
Je ne devrais pas le dire … mais c’était presque jouissif 🙂 !
L’équivalent en entreprise
Si je vous raconte ce départ en vacances, ce n’est pas pour le simple plaisir égocentrique de partager mes souvenirs.
C’est tout simplement, parce que j’ai constaté cette même situation dans nos entreprises.
Exemple de terrain N°1 :
C’est une entreprise qui imprime du papier pour envelopper les cadeaux. Ils ont acquis il y a deux ans une belle “bécane de course”.
Elle est plus rapide, plus simple à régler, en un mot … plus performante.
C’est leur “autoroute”, là où les anciennes machines représentent “des départementales”.
Il a donc été logiquement décidé de transférer un maximum de productions vers celle-ci.
Mais au fil du temps, cette bécane a fini par être saturée. Elle est devenue un goulet d’étranglement.
Face à cette situation, j’ai alors demandé au responsable de fabrication, pourquoi il ne détournait pas une partie de la production sur les anciennes machines. Sa réponse a fusé. C’était pour lui une évidence …
Je ne passe pas les OF sur les anciennes machines,
car elles sont moins performantes et produisent moins vite !
Exemple de terrain N°2 :
Dans cette PME, là encore, des machines récentes côtoient de plus anciennes moins rapides.
La différence de temps de cycle (temps nécessaire pour fabriquer une pièce) est parfois du simple au triple.
Or, lorsque vous faites un devis pour votre client, il est plus intéressant de proposer de faire les pièces sur la machine rapide. En effet, le coût de l’opération sera le résultat du temps de cycle multiplié par le taux horaire de la machine.
Comme le temps de cycle est beaucoup plus court, même si le taux horaire est un peu plus élevé, le coût unitaire est plus bas.
Pour un commercial, c’est une aubaine. En effet, plus le coût unitaire est faible, plus il aura de chance d’obtenir une commande (n’oublions pas qu’une partie de sa rémunération est liée à son chiffre d’affaires), mais aussi, il aura de plus possibilités pour négocier un prix tout en gardant une marge commerciale correcte.
Ainsi, les commerciaux de cette petite entreprise ont-ils pris l’habitude de “charger” toujours les mêmes “machines de course”.
Avec le temps, ces machines, aussi performantes soient-elles, se retrouvent saturées et deviennent des goulets d’étranglement.
Ce qu’il faut retenir
Oui, l’autoroute est le moyen le plus performant en termes de vitesse et de sécurité pour se déplacer en voiture sur une longue distance.
Mais lorsque ce moyen se retrouve en situation de saturation, l’alternance des pointes à 130 km/h et des arrêts (le fameux effet accordéon) fait beaucoup chuter la vitesse moyenne.
Aussi, il est parfois préférable de se rabattre sur un réseau secondaire plus lent … mais plus libre.
De même, dans une entreprise, il faut parfois accepter de produire dans un mode dégradé si cela permet de soulager votre “machine bête de course devenue goulet d’étranglement”. Vous retrouvez ainsi un surcroit de capacité qui vous aidera à livrer vos clients à l’heure (ou avec le moins de retard possible).
En entreprise, comme sur autoroute, accepter le mode dégradé
en empruntant un réseau secondaire moins performant
lors des situations de crise vous permettra d’être
globalement plus performant et de limiter les dégâts !
Mais le vrai fond du problème n’est pas là. La cause racine de ces comportements et attitudes est plus profonde.
En restant obnubilé par l’autoroute comme par sa machine de course, nous sommes focalisé sur “le moyen”, “la ressource” et non sur le flux.
Aussi Lean que nous croyons être, se focaliser sur la performance de la ressource est une attitude Tayloriste.
C’est aussi une attitude ego-centrée
(centrée sur son nombril)
Au contraire, se focaliser sur le flux permet de rester concentré sur l’atteinte des objectifs en termes de qualité et délai pour ses clients.
C’est une attitude centrée sur son client
Et ça … c’est le Lean !
Nota : Aussi Lean que je crois l’être … j’en suis encore bien loin …
je vous invite à relire l’article Le chaînon manquant .
Je vous souhaite à tous de passer d’excellentes vacances d’été
Sans compter que l’autoroute c’est payant 😉