Suppositions versus faits
Peut-être avez-vous lu mon article précédent ?
La France, cette nation féminine
Peut-être comme Véronique dans son commentaire, le trouvez-vous un peu “caricatural” ?
Pourquoi pas ?
Vous n’êtes pas d’accord avec moi ? Encore une fois, vous en avez le droit et même, … j’en suis ravi !
Vous me donnez ainsi le prétexte d’enfoncer le clou !!!
Un exemple de terrain …
J’ai commencé ma carrière dans une PMI. Nous produisions des pièces usinées pour l’industrie aéronautique. Notre “monde” était la petite série avec une grande variété de références.
À chaque fabrication était rattaché un OF (Ordre de Fabrication, équivalent d’un bon de travail) dans notre système d’information, notre GPAO (Gestion de Production Assistée par Ordinateur).
Or nous avions un problème récurrent de délais. Nous ne livrions pas les pièces à l’heure.
Devant ce problème de retard presque permanent, une réunion des cadres de la supply chain et de la production fut organisée. Le but était de trouver où cela “coinçait”. Pourquoi étions-nous en retard, même sur les OF qui ne présentaient pas de difficultés particulières ?
Très vite, sous l’influence du responsable d’atelier (vestige des “30 glorieuses” où l’on ne savait pas demander sans gueuler 😉 ), un consensus sembla se dégager. Les OF étaient déjà en retard à leur arrivée dans l’atelier.
En d’autres termes, le travail commençait alors que la date de lancement prévue était déjà dépassée.
Dès lors, tout le monde se tourna vers le couple “Ordonnanceur – Magasinier” qui organisait le lancement des OF selon un processus assez classique.
Lequel des deux faisait mal son boulot ? Lequel des deux allait-il se prendre un “scud” ? Lequel des deux était …
… LE COUPABLE ?!!!
C’est pas moi c’est lui
Bien évidemment, sous la pression, les deux intéressés se sont défendus en se justifiant …
Le magasinier a affirmé haut et fort qu’il faisait son boulot et que s’il délivrait des OF en retard, c’était parce que l’ordonnanceur les lui transmettait … en retard !!! De son point de vue, il débitait la matière et lançait les OF dans la journée, en fonction de la date de lancement !!!
De son coté, l’ordonnanceur a argué qu’il suivait scrupuleusement le listing du calcul des besoins (et bien sûr, l’ordinateur, lui, ne se trompe jamais 😉 ), et que si retard il y avait, c’était parce que le magasinier débitait ses matières trop tard. Selon sa perception, le délai entre le dépôt de l’OF au magasin (date tamponnée faisant foi) et la prise en charge par le magasinier était de 6 à 7 jours …
Un froid polaire s’était installé entre ces deux collaborateurs, chacun sortant “son parapluie” et campant sur ses positions … mais quand même sans jamais avoir abordé le sujet entre eux (manque de cou…. quand tu nous tiens … 🙁 ).
Réactions en chaine et cercle vicieux
Dès lors, piqué au vif, par réaction, notre ordonnanceur décida de ne plus délivrer au magasin la liasse d’OF avec un jour d’avance, … mais avec une semaine.
Vous pouvez imaginer le tableau …
Le bureau du magasinier ressemblait un peu à ça →
Bien entendu, il ne fallut pas longtemps pour que le problème empire et que des OF disparaissent … pour être retrouvés quelques semaines plus tard … par terre derrière de bureau.
Soyons factuels et agissons en conséquence
C’est à peu près ce que j’ai (timidement) proposé au directeur industriel pour avoir une idée réaliste de la situation.
Pour chaque OF, j’ai comparé les dates de dépôt au magasin aux dates de lancements théoriques et réels. J’ai ainsi calculé les délais moyens écoulés entre les deux opérations et j’ai pu les comparer aux dates de lancement théorique …
… mais je l’ai fait pour 600 OF !!!
(à la main, avec les archives 🙁 )
Alors, quel délai ? Qui est-ce qui va se faire eng…… ?
Eh bien figurez-vous que le délai moyen de prise en charge n’était que de …
… 1,2 jours !!!
De même, les OF étaient globalement lancés le jour de leur lancement théorique ou avec une journée d’avance.
Avec 1,2 jours, nous sommes bien loin de la perception de l’ordonnanceur (6 à 7 jours) !
En fait, le magasinier faisait bien son boulot … et l’ordonnanceur aussi !!!
le vrai problème était en aval … dans l’atelier!!!
Dès lors, tout le monde à fait “machine arrière” et a “calmé le jeu”. Le climat s’est détendu, les relations sont redevenues cordiales, les bannettes du magasin se sont vidées … et nous avons pu commencer à chercher la vraie cause du problème de retard des OF dans l’atelier.
Que faut-il retenir ?
Cela a été une grande leçon d’humilité pour nous tous (et moi le premier).
Personne n’avait raison et le problème était ailleurs
Mais ce que j’ai retenu, c’est que :
- Faire un recueil des données, c’est peut-être ch…t, mais c’est impératif pour s’appuyer sur des faits et non des perceptions, impressions, avis … et schémas mentaux bien ancrés en nous depuis l’enfance.
- Ce n’est pas ce n’est pas parce qu’on gu…. le plus fort que les autres, ou qu’on a le plus d’assurance dans ses affirmations, ou encore qu’on vous intimide par son âge et son expérience …
… qu’on a raison !!!
Ne vous fiez ni aux ordinateurs, ni aux dires des uns et des autres (même s’ils sont de confiance et sont sincères). Aller voir par vous-même sur le Gemba (sur le terrain) pour observer et relever les faits, rien que les faits, seulement les faits…
- Par extrapolation, il est possible d’imaginer toutes les mauvaises décisions qui sont susceptibles d’être prises tous les jours dans nos entreprises, y compris au niveau stratégique.
- Le PDCA, y a “qu’ça” de vrai !!! Et comme le dit si bien Pascal Dennis dans son livre “Getting the Right Things Done”:
Seul parler avec des faits/données vous permet
vraiment de “saisir” la situation (grasp the situation)
Et vous, avez-vous déjà vécu une situation similaire ?
Faites-nous part de vos commentaires, ils sont les bienvenus.
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