C’était il y a cinq ans déjà !!!
J’avais écrit à l’époque un petit article sympa qui s’intitulait …
Vous avez de l’argent à perdre …
Je ne peux que vous recommander de le relire, afin de poser les bases de ce nouvel article…
Pourquoi un second article sur le même thème ?
Pour aller plus loin et “enfoncer le clou” !
Le but de ce premier article était de vous montrer l’impact de la taille de lot sur une production. Il s’agissait de faire passer des pièces brutes (les balles) sur trois postes manuels pour parvenir au produit fini à expédier chez le client.
La commande du client était de 10 pièces. Nous comparions exactement la même fabrication en travaillant par lot de 1 pièce (le One Piece Flow), par lot de 5 pièces et par lot de 10 pièces.
Pour rappel, voici ci-dessous la petite animation de cette comparaison …
Cette animation aboutissait au fait, que le flux unitaire permettait de raccourcir le délai de livraison ( temps de traversée de 12h) par rapport à un flux réalisé avec des lots de 5 ou 10 pièces.
De plus, l’image suivante montre la différence financière entre les trois flux. Le BFR (Besoin en Fonds de Roulement) correspondant à l’argent investit nécessaire (et donc immobilisé) pour produire ma commande. Les WIP (Work In Process) correspondant eux aux pièces en cours de fabrication (les encours, ni bruts, ni finis) immobilisées une fois la commande terminée.
Je vous renvoie à l’article initial pour plus de détail…
Deux objections
Durant ces cinq dernières années, j’ai montré, tant en entreprise qu’en cours, cette animation à de nombreuses reprises.
Le plus souvent les personnes sont assez surprises de l’impact de la taille de lot sur le flux. Surtout lorsque je leur dis : “Imaginez maintenant si nous travaillions non plus par lot de 10, mais par lot de 50, 100, ou 1 000 pièces !!!”
Pourtant, certaines personnes ne sont pas tout à fait convaincues. Elles m’opposent généralement les deux objections suivantes :
Objection 1 : C’est bien joli tout ça, mais vous nous montrez un flux équilibré où chaque opération fait une heure. Dans la réalité, les opérations n’ont pas toutes les mêmes durées !
Objection 2 : C’est bien joli tout ça, mais vous ne montrez que le premier cycle de fabrication. Que se passe-t-il si une seconde, puis une troisième commande arrivent. Une fois que “la pompe est amorcée”, quelle que soit la taille du lot, comme le dernier poste (le poste 3) tape dans le stock devant lui, les pièces sortent aussi vite que dans le cas du flux unitaire (One Piece Flow) !
Généralement, l’interlocuteur de l’objection 2 a, à cet instant, le regard du vainqueur, celui du mec qui vient de trouver une faille dans mon raisonnement et qui croit faire tomber à l’eau toute ma démonstration. Je souris. C’est de bonne guerre …
L’objection N°1 : Le flux est équilibré
Je vais faire vite. Cette objection est hors sujet.
Je rappelle ici, que le but de l’animation n’est pas de montrer s’il est bon ou pas de faire des stocks ou de travailler par lot dans un atelier de production.
Non, le but du sujet est de montrer l’impact de la taille du lot sur un flux et son environnement en comparant exactement le même flux mis dans trois contextes différents (que sont taille de lot = 1, taille de lot = 5, taille de lot = 10).
Aussi, bien évidemment, pour ma démonstration, j’ai utilisé un flux qui soit le plus visuel possible, à savoir un flux de trois postes équilibrés.
L’objection N° 2 : Les nouvelles commandes
Cette objection-là est beaucoup plus intéressante. En effet, elle va me permettre d’enfoncer le clou !
Je suis donc partie de l’état des “trois lignes” à la fin de la première commande et j’ai relancé la production pour simuler une seconde commande client de 10 pièces.
Une petite animation valant mille mots, regardons ce que cela donne.
Dans le cas de cette deuxième commande, on voit que la première pièce sort en une heure et la commande complète sort à peu près en 10 heures … et ce, quelle que soit la taille du lot !
Dès lors, on peut dire qu’à partir de la seconde commande …
… la taille du lot n’a plus d’impact sur le temps de traversée !!!
Vous le voyez le grand sourire du vainqueur dont je parlais plus haut ? Laissons-le jubiler quelques secondes … avant de le ramener à la réalité … 😉
Oui, mais !
1) Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises fabriquent leurs produits à la commande en répondant “au jour le jour”. Elles n’ont pas de visibilité et ne sont pas certaines que le client repassera une seconde commande.
Dans ce cas, faire une seule commande de 10 en faisant un lot de 10 mettra bien trois fois plus de temps (30 h) qu’en produisant en flux unitaire (12h).
2) Dans le cas de commandes récurrentes (par exemple mensuelles), les chiffres parlent d’eux-mêmes :
En travaillant par lots de 10 pièces, le BFR est de 4 900 € et l’encours est de 20 pièces pour un montant de 1 300 €. J’ai donc un montant de 4 900 € “immobilisé” en permanence pour produire des commandes à 1 450 €.
Si je travaille en flux unitaire, le BFR est de 2 495 € et l’encours représente 2 pièces pour 245 €. Soit un montant 2 495 € “immobilisé” en permanence pour produire les mêmes commandes à 1 450 €.
On voit donc que le flux unitaire nécessite moins d’immobilisation financière pour un chiffre d’affaires égal.
3) Une taille de lot >1, génère aussi une mobilisation supérieure de ressources. Il faudra des caristes et des chariots pour déplacer les lots de 10 pièces. Il sera nécessaire d’avoir de la place pour entreposer ces lots. Cela monopolise des m² pour stocker et chaque m² de stockage représente un coût.
Par ailleurs, comme j’ai pu le voir de nombreuses fois, que se passe-t-il si le client change l’indice de plan de la pièce ? Si vous travaillez en flux unitaire, vous perdez votre encours de 2 pièces (= 245 €). Dans le cas où vous travaillez en lot de 10, vous perdez votre encours de 20 pièces (= 2 450 €) !
4) Revenons spécifiquement sur le besoin de m² supplémentaires pour stocker des encours dans le cas où la taille de lot est >1.
Comme évoqué ci-dessus, chaque m² représente un coût. Selon l’entreprise, il est généralement estimé entre 100 et 200 € par an. Mais c’est une erreur de jugement. En effet, un m² dédié au stockage c’est un m² qui n’est pas utilisé pour produire et donc, pour créer de la richesse. Ainsi, un m² de stock c’est une opportunité de gain qui n’est pas captée.
Regardons ce qu’il se passe lorsque je profite des m² disponibles dans le flux unitaire. En “resserrant” les postes et les encours, je libère une surface dans laquelle il est possible d’implanter une nouvelle ligne (la ligne de 2 postes qui produit des triangles).
Encore une fois une image valant 1 000 mots …
Je peux alors pour la même surface globale, bénéficier d’une surface productive plus importante. Je génère donc un chiffre d’affaires supérieur, pour la même surface qu’avant.
Et cerise sur le gâteau (de mon point de vue), j’ai pu embaucher deux personnes de plus (potentiellement deux chômeurs de moins).
Mon entreprise est plus rentable et elle se développe !
Ce qu’il faut retenir
Le petit tableau comparatif ci-dessous nous éclaire :
Le fait de travailler en flux unitaire (One Piece Flow) a permis de sauvegarder des m². Ces derniers ont pu être utilisés pour implanter une nouvelle ligne qui produit de la richesse, le tout sans avoir besoin d’agrandir le bâtiment de l’entreprise.
Pour un BFR à peu près équivalent (4 810 € pour 4 900 €), en flux unitaire je peux honorer deux commandes (une de balles et une de triangles) pour un montant de 2 750 € alors qu’en travaillant par lot de 10 pièces, je ne peux produire qu’une seule commande pour un montant de 1 450 €.
Le One Piece flow n’est pas une baguette magique. Il n’est ni adapté ni recommandé dans toutes les situations. Mais lorsqu’il peut exister, il est une règle d’or dont nous devons tous être convaincus :
Le One Piece Flow est le flux qui génère le moins de Mudas
(Mudas = gaspillages)
Et vous, qu’en pensez-vous ?